[toc]Par Michel Smet
L’introduction des reines dans les colonies a, de tout temps, été la hantise des apiculteurs. En effet, comment réaliser l’introduction d’une reine de valeur dans une ruche de production sans risquer de la perdre suite à un refus d’acceptation par la colonie. Nous allons essayer de donner et expliquer les méthodes fiables ayant fait leurs preuves, bien que le sujet soit vaste et faisant appel au feeling de l’apiculteur, en d’autres mots, à son expérience des cas vécus (heureux ou malheureux d’ailleurs).
Tout d’abord, nous devons distinguer deux types de reines à introduire: les reines fécondes et les reines vierges.
Introduction des reines fécondes
L’introduction des reines fécondes est l’opération la plus couramment effectuée par les apiculteurs. En effet, qui, dans sa vie d’apiculteur, ne s’est pas retrouvé face à une colonie orpheline qui nécessite l’introduction d’une reine afin de lui assurer sa survie?
Pour réussir une introduction de reine dans une colonie, il faut tout d’abord bien connaître l’état dans lequel se trouve cette colonie: est-on bien sûr qu’aucune reine n’est présente? Ne voyant pas la reine, n’y a-t-il pas présence d’œufs malgré tout, ce qui augurerait la présence d’une reine ou d’ouvrières pondeuses? La colonie orpheline possède-t-elle encore du couvain operculé naissant? Si oui, cela facilitera le placement de la nouvelle reine car accueillie par des jeunes abeilles plus douces que les vielles? Toutes ces questions m’ont amené depuis de nombreuses années à ne réaliser le remplacement des reines que des colonies possédant une reine en ponte, car c’est le cas le plus simple. En effet, remplacer une reine en ponte par une autre reine en ponte est le cas le plus facile à régler: on visite la colonie, on trouve la reine à remplacer et on la remplace par la nouvelle reine en ponte placée dans une cagette d’introduction fermée par un bouchon de candi. Les abeilles mangent le candi et libèrent la reine dans les heures qui suivent l’introduction. C’est le cas le plus facile qui nous amène à prévenir plutôt que guérir, c’est-à-dire remplacer la reine avant que les problèmes ne surviennent. Mais comme l’apiculteur ne cherche pas les problèmes, c’est quasiment toujours quand il sera dans les soucis qu’il sera amené à juger la situation dans la hâte. Nous sommes tous passés par ce cas de figure, et cela nous arrivera encore, croyez-moi.
D’où la nécessité de connaître les méthodes d’introduction fiables suivant le cas face auquel on se trouve:
- Introduction d’une reine de valeur achetée dans le commerce,
- Introduction d’une reine dans une colonie orpheline depuis 9 jours,
- Introduction d’une reine par engluage,
- Introduction d’une reine sur couvain naissant,
- Introduction d’une reine par enfumage au tabac.
Introduction d’une reine de valeur achetée dans le commerce
La reine ayant été achetée, parfois cher et vilain (plusieurs dizaines voir centaines d’euros), nous devons mettre toutes les chances de notre côté afin de réussir l’opération. Pour se faire, le passage par la réalisation d’un essaim artificiel de couvain operculé naissant est requis. Aucune reine ne devra s’y trouver bien sûr! La reine de valeur sera introduite en cagette fermée, sans accompagnatrices, et ce pendant deux ou trois jours. On peut placer un peu de miel sur la cagette, ce qui favorise la prise de contact entre les abeilles et la reine par trophallaxie. Les jeunes abeilles naissantes entrent en contact avec la reine, la nourrice et prennent soin d’elle à travers les mailles de la cagette. Trois jours plus tard, on libère la reine en plaçant un bouchon de candi. La reine, ayant été soignée pendant ces trois jours commencera sa ponte dans les heures de sa libération. Cet essaim de couvain naissant sera agrandi par le placement progressif de couvain operculé sans abeilles provenant d’autres colonies et deviendra finalement une colonie de production. C’est la méthode la plus sûre pour introduire une reine de valeur.
Introduction d’une reine dans une colonie orpheline depuis 9 jours
C’est la seconde méthode la plus sûre pour introduire une reine de valeur dans une colonie. On retire la reine de la colonie à remérer. Neuf jours plus tard, on visite la colonie de fond en comble et on détruit toutes les cellules royales de sauveté érigées par les abeilles. Les abeilles n’ont alors plus aucune façon de se remérer, puisqu’aucun couvain ouvert n’est plus présent dans le ruche. On referme la colonie et une heure plus tard, on introduit la nouvelle reine en cagette sans accompagnatrices. Un peu de miel est placé sur la cagette. Trois jours plus tard, la reine est libérée en plaçant un bouchon de candi dans la cagette.
Introduction d’une reine par engluage
Cette méthode d’introduction est directe et se décrit comme suit. La colonie à remérer est visitée et la reine à remplacer trouvée et retirée du peuple. La nouvelle reine à introduire est engluée dans du miel liquide et déposée sur les cadres de la ruche. Les abeilles, gourmandes qu’elles sont, s’empressent de lécher et nettoyer la reine et entrent en contact direct avec cette dernière par trophallaxie. La reine finit alors par descendre entre deux cadres et commence à pondre dans les heures qui suivent.
Introduction d’une reine sur couvain naissant
Ici, on joue sur le fait que la reine à introduire est libérée sous cage de 10 cm sur 10 cm piquée sur un cadre contenant du couvain en train de donner naissance à ses abeilles. Comme se sont des jeunes abeilles naissantes qui sont en contact avec la reine à introduire, tout se passe bien. On a bien sûr préalablement retiré la reine à remplacer, cela va sans dire. Quelques jours plus tard, on retire la cagette, ce qui libère la reine accompagnée de « sa cour » formée de jeunes nourrices qui ont pris la reine en charge. La reine peut alors étendre sa ponte qu’elle aura déjà commencée dans les cellules sous la cage libérées par les abeilles nées lors de l’encagement.
Introduction d’une reine par enfumage au tabac
Cette méthode est particulièrement conseillée pour introduire une reine dans une colonie possédant des abeilles agressives. On allume l’enfumoir dans lequel on a placé du tabac. On commence par enfumer la colonie à remérer par le trou de vol. Attention de ne pas y aller trop fort!! Les abeilles entrent alors en bruissement avant de tomber dans le fond de la ruche. On ouvre alors la colonie, on la visite afin de trouver la reine. Cette dernière trouvée, on introduit la cagette contenant la nouvelle reine fermée par un bouchon de candi. Les accompagnatrices ont été retirées. On remet tout en place et on referme la colonie. Les abeilles endormies se réveillent progressivement et reprennent leurs fonctions au sein de la ruche. On ne visitera pas le peuple avant 15 jours, afin de ne pas risquer l’emballement de la reine. J’ai été amené à réaliser cette opération quelques fois sur ma déjà longue carrière d’apiculteur, et toujours avec succès. Evidemment, le mieux est toujours de cultiver des abeilles douces, cela facilite toujours les choses!
Introduction des reines vierges
Nous allons maintenant aborder l’introduction des reines vierges dans les peuples, bien que cette opération soit réservée aux éleveurs de reines plus qu’aux apiculteurs en tant que tel. De nombreux cas différents se présenteront à nous. Il faudra tout d’abord identifier précisément dans quel cas on se trouve. C’est primordial si l’on veut réussir son coup! Tout d’abord, il faut savoir qu’il existe une antinomie entre une reine vierge et la présence de couvain ouvert et plus particulièrement d’œufs dans la ruche. En effet, si on analyse les choses d’un peu plus près, on constate que ce cas de présence d’œufs en même temps qu’une reine vierge n’arrive jamais dans la normalité des choses. Nous devons absolument en tenir compte dans notre manière d’introduire les reines vierges. Pour faire court, on n’introduira jamais une reine vierge en présence d’œufs ou jeunes larves. Il y a cependant moyen de le faire, mais il faut utiliser une ruse afin de réussir l’introduction. Ce cas de figure est fréquent chez les éleveurs de reines qui sont souvent amenés à ôter une reine en ponte d’un nucléus de fécondation et de la remplacer par une reine vierge en vue de sa fécondation. Surtout quand les reines sont nées en couveuse artificielle et qu’elles doivent y rester le moins longtemps possible. Voici comment faire. La reine en ponte est retirée du nucléus de fécondation. On attend ensuite une vingtaine de minutes de façon que les abeilles se rendent compte qu’elles sont orphelines. On introduit alors la reine vierge en cagette fermée ou » à dur » comme on dit dans le jargon apicole. Sept jours plus tard, on contrôle la présence de cellules royales de sauveté que les abeilles peuvent avoir érigées malgré la présence de la reine vierge encagée. Si on en trouve, on les détruit toutes sans exception. On place ensuite une boulette de candi dans la cagette où se trouve la reine vierge qui est ensuite libérée par les abeilles dans les heures qui suivent. La reine peut alors faire ses vols d’orientation et finalement celui de fécondation avant de commencer sa ponte. On a déjoué la nature par ce procédé qui permet de « mettre à place » des reines vierges directement lors du prélèvement des reines en ponte destinées à être introduites dans les ruches de production. Pendant les 7 jours de claustration, la jeune reine a le temps de faire sa maturation avant de réaliser son vol de fécondation.
Une autre méthode d’introduction des reines vierges dans la demi-heure de leur naissance est l’emploi de la cellule royale de seconde naissance en PVC. L’extrémité de la cellule est couverte d’un petit morceau de cire gaufrée dans lequel on perce un petit trou à l’aide d’un cure-dent. La reine vierge est introduite par l’autre extrémité « tête la première » puis on ferme le petit couvercle de la cellule PVC. On place alors la cellule entre deux cadres de nucléus à remérer. Les abeilles rongent la cire et libèrent la reine vierge. Une reine introduite dans la première demi-heure de sa naissance est acceptée en toutes circonstances. Toujours bon à savoir!
La méthode la plus simple pour introduire une reine vierge est de l’introduire sous forme de cellule royale prête à naitre. C’est une des méthodes les plus sûres mais qui a l’inconvénient de ne pas pouvoir contrôler l’aspect extérieur de la reine avant son placement dans le nucléus de fécondation. Il suffit de glisser la CR dans un tube protecteur en plastique et de glisser le tout entre deux cadres du nucléus orphelin. La reine naitra directement dans les abeilles qui la prendront en charge dès sa naissance.
Michel Smet
A relire: « Au rucher » juillet-août en 2014.
