« Au rucher » 2013-03

Par Michel Smet

A l’heure où j’écris ces lignes, la neige refait son apparition. L’hiver, qui avait commencé par des températures de l’ordre de 16 voire 17 degrés à la mi-décembre nous a, par la suite, donné du fil à retordre. Une première offensive suivie d’une seconde, elle-même suivie d’une troisième apparition de neige ont fait souffrir les colonies en hivernage.

Saule au printemps

Bientôt le saule marsault

Début mars, les peuples qui auront survécu seront tenus à l’oeil afin de ne pas les laisser mourir de faim. En effet les réserves de nourriture commencent à s’épuiser, surtout dans les colonies qui ont déjà débuté l’élevage. Un soupesage des ruches sera donc réalisé le plus simplement du monde en soulevant légèrement et prudemment l’arrière de la colonie. Un comparatif entre les différents peuples nous permettra d’avoir une idée de ce qu’il reste comme provisions.

Pain de candi

Pain de candi en février
By Philippe Bajoit [CC-BY-NC-3.0]

Une autre façon de faire est de mettre à disposition un pain de candi à toutes les colonies, et ce afin d’être certain de n’oublier aucune colonie qui serait dans le besoin. Il est clair que cela coûte un peu d’argent, mais quand on aime, on ne compte pas, c’est bien connu. On est, en pratiquant de la sorte, certain de ne pas faire de « boulette ». A chacun de faire comme il l’entend, en sachant que normalement, celui qui a bien mis ses colonies en hivernage ne doit pas craindre un manque de provisions dans ses peuples.

Dans la deuxième quinzaine de mars, une visite furtive sera réalisée pour autant que la température la permette. Quinze degrés et l’absence de vent sont requis afin de ne pas refroidir le couvain éventuellement présent et qui requiert 35 degrés pour son développement. Cette visite furtive nous permettra en tout premier lieu de nous rendre compte des réserves encore présentes. Si la colonie est déjà forte, on peut déjà griffer les provisions se trouvant à proximité du couvain. Cela sera réalisé en passant le dos du lève-cadre sur les opercules, sans les défoncer en profondeur afin de ne pas abîmer le cadre. Cette nourriture désormais accessible par les abeilles sera rapidement transformée en couvain qui fournira, pour rappel, les butineuses pour la grande miellée de printemps censée emplir les hausses de nectar.

Une autre façon de relancer la ponte est de retourner le corps de ruche de 180 degrés. Les réserves se trouvant à l’arrière se retrouvent alors à l’avant de la ruche, près du trou de vol. Or les abeilles détestent cette situation qui met potentiellement la colonie en danger et elles s’empressent de déménager cette nourriture afin de la replacer à l’arrière, loin du trou de vol. Ce déménagement de provisions provoque la ponte de la reine et inhibe une pseudo miellée des plus salutaires. Ce travail sera répété tout au long du développement printanier, et ce, de manière progressive; en effet, il ne faut griffer que la quantité absorbable pour chaque peuple. Tout est question de feeling. Si vous possédez des ruches avec cadre témoin, vous ne pourrez pas procéder de la sorte, bien évidemment, afin de ne pas retrouver le cadre témoin côté trou de vol. Que faire alors, me direz-vous? Il vous faudra retourner tous les cadres de la colonie un par un. Vous aurez alors atteint le même but.

Pollen à la planche de vol

Pollen à la planche de vol le 18/3/2013
By Monika Dispas [CC-BY-NC-3.0]

En cas de colonie très forte, une cire gaufrée pourra déjà être placée entre le dernier cadre de couvain et la planche à pollen, ceci afin de ne pas refroidir le couvain présent en cas de retour du froid. N’oublions pas « qu’en avril ne te découvre pas d’un fil » .Ce cadre sera intégré à l’intérieur du nid dès que bâti, et ce même partiellement car sinon, il sera empli de pollen et autre nourriture très rapidement. Il ne pourra plus être intégré dans le nid et atteindre son but premier, à savoir le renouvellement du nid à couvain.

Si par contre, on se trouve face à des peuples faibles et peu développés, on procédera d’office au resserrage de ces derniers afin de concentrer la chaleur indispensable au développement du couvain. Comme le disait si bien notre regretté Henri Renson: « au printemps, une grosse colonie, c’est une petite ruche ». Entendez par là que plus les abeilles sont à l’étroit, plus vite elles se développeront. L’objectif premier est de parvenir à faire en sorte que de forts bataillons de butineuses soient présents dans les colonies au moment de la grande floraison. Tous les moyens possibles et imaginables seront mis en œuvre afin d’atteindre ce but, comme l’isolation de la partie supérieure de la colonie car c’est bien connu, la chaleur monte.

A l’atelier, les hausses seront apprêtées afin de ne pas devoir courir à la dernière minute. Pour les novices, seuls des cadres pourvus de cire gaufrée seront disponibles. Pour ceux possédant des cadres bâtis, les hausses seront pourvues en alternance, d’un cadre bâti suivi d’un cadre de cire gaufrée lui-même suivi d’un cadre bâti et ainsi de suite. La première hausse sera placée sur une grille à reine afin d’éviter à cette dernière de pondre au beau milieu des cadres de miel, phénomène qui n’est plus acceptable de nos jours. Pour le placement de la seconde hausse, elle sera placée en lieu et place de la première qui sera placée au dessus de la nouvelle. Cela évite aux abeilles de devoir traverser une hausse pleine afin de se rendre dans la hausse vide. On évite de la sorte que les abeilles ne « bourrent » le nid à couvain de nectar, ce qui est des plus fâcheux car cela provoque un blocage de ponte et un possible début de fièvre d’essaimage.
Une chose fondamentale est de rigueur en ce début de printemps: chaleur maximale à maintenir dans les peuples afin de favoriser l’élevage sous toutes ces formes.

Mais je reviens à la grande visite de printemps qui sera toujours réalisée par une température clémente, 20 degrés minimum. Elle sera bien apprêtée afin d’avoir tout ce qu’il faut pour la réaliser dans les meilleures conditions. L’enfumoir sera nettoyé, le combustible à disposition, la vareuse contrôlée, les gants également. Le lève-cadre sera passé à la flamme de la lampe à souder, la brosse à abeilles passée dans une solution d’eau de javel et rincée abondement à l’eau claire, les cadres de cire apprêtés etc…. Si l’on opte pour le transvasement de la colonie dans une ruche propre, celle-ci sera prête également, cela va sans dire. En bref, tout sera mis en oeuvre afin de réaliser l’opération de visite dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible. Comme le disait si bien notre ami Paul Petit, il faut se « hâter lentement », comprenez, travailler vite et bien sans fausse manoeuvre. C’est du reste et cependant le secret de la réussite en apiculture.

Cette période printanière est pour moi, la plus belle de l’année car elle provoque la régénération complète de la colonie et remplit d’émoi ceux qui sont un tant soi peu sensibles à la nature sous toutes ses formes.

Si la saison se montre précoce, il nous faudra surveiller la floraison des étendues de colza afin de ne pas rater cet apport de miel qui fait, il faut bien le dire, la joie des apiculteurs. Mais nous reparlerons de tout cela en mai.

A relire: « Au rucher en mars-avril » en 2012

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