Actualités apicoles 2015-01

Par Benoît Manet

Le début d’année est par tradition le moment choisi par réitérer ses vœux. Ces vœux peuvent mettre en avant la prospérité, le bonheur. Oui, mais avant tout la santé. Tout n’est rien si la santé ne suit pas.

Dans ce contexte de coupes sombres dans les budgets, l’actualité a fait écho des restrictions importantes imposées par le nouveau gouvernement fédéral dans les domaines de la culture, des sciences, …

Faisant le point sur le développement de la culture dans le paysage francophone, le magazine Moustique publiait dans ses colonnes il y a quelques semaines les résultats d’un sondage. A la première question de savoir ce qui était le plus important aux yeux des personnes interrogées, la santé arrivait en première place devant toutes les autres préoccupations dont l’environnement qui n’arrivait qu’en 8ème position. Constat intéressant autant qu’interpellant qui montre la rupture entre la notion de santé et l’implication que peut avoir l’environnement vis-à-vis de celle-ci. L’homme se déconnecte de la nature et perd ses repères dans ce qui pourtant est en relation étroite avec son bien-être. Et à terme son devenir sinon son destin. Une réflexion globale doit nous appeler à reprendre contact avec notre cadre de vie et tous les êtres qui l’habitent.

LES BELGES ET LA CULTURE - ENQUÊTE EXCLUSIVE

LES BELGES ET LA CULTURE – ENQUÊTE EXCLUSIVE

Le parallèle est réalisable avec ce qui nous passionne : nous observons depuis quelques années des problèmes de mortalités des colonies difficilement soutenables. Et pourtant, les ruches se vident, se meurent. Question de santé ? Dans le cas de notre abeille mellifère, c’est l’ensemble des insectes qui constituent la colonie ainsi que toutes les parties qui la composent qui doit être pris en compte. Et ce microcosme d’aller chercher ses ressources dans l’environnement pour assurer son développement. Cette activité de butinage se passe dans un tel rayon d’action que des considérations plus récentes la reprennent comme « sentinelle de l’environnement ». Certaines études, telles que celle menée par l’Oniris1 en Pays de Loire, ont permis de mettre en évidence tout ce que l’abeille pouvait ramener à la ruche en matière de polluants2. Mais aussi de pouvoir décrire l’aire de butinage parcourue en termes de ressources par différentes analyses palynologiques sur du pollen de trappe et dans des échantillons de miel. Enfin, différentes analyses pathologiques ont permis de dresser le parcours sanitaire de ces colonies. Et de constater que les besoins en pollens et en nectars sont considérables et peuvent contribuer à expliquer les pertes enregistrées si l’on analyse l’évolution du paysage par l’urbanisation accrue et l’agriculture intensive avec pour conséquences une fragmentation des habitats et une destruction des zones semi-naturelles comme les haies, les talus, les friches. Cette diminution de biodiversité a pour conséquence un manque de disponibilité des plantes-ressources mais aussi indirectement de floraisons tout au long de la saison qui peuvent s’avérer de surcroît de moindre valeur (déficience en certains acides aminés). Il est maintenant connu que les abeilles ont besoin d’une nourriture de qualité pendant leur développement larvaire mais aussi pendant les premiers jours de leur existence après l’éclosion pour assurer le développement physiologique nécessaire au polyéthisme d’âge mais aussi à leur longévité. Enfin, la pression des pathogènes rend la problématique encore plus difficile à appréhender puisqu’ils peuvent avoir un impact direct sur leur hôte et induire un effet dépresseur sur la survie de la colonie. De surcroît, ils peuvent également se combiner à d’autres facteurs découlant sur des effets de synergie. En cela, les présences du Varroa ou de Nosema représentent une pression dommageable pour la colonie, notamment lorsque celle-ci est exposée aux toxiques ou à d’autres agents pathogènes comme les virus dont l’impact est réellement sous-estimé3. Ces 3 axes (pollution – environnement – maladies) représentent les leviers nécessaires pour garantir la santé de notre abeille.

Butineuse chargé de la résine qui va devenir la propolis

Butineuse chargé de la résine qui va devenir la propolis
http://scientificbeekeeping.com/

Et pour conclure sur la santé, il est nécessaire de rappeler l’importance que représente l’abeille en tant que pharmacienne. Pourtant utilisés depuis des siècles, les produits de la ruche sont souvent méconnus ou sous-estimés. Que l’on aborde le miel, le pollen, la gelée royale, la cire, même le venin, tous ont des propriétés thérapeutiques. Avec un produit aussi commun que le miel, des traitements en hôpital ont permis d’obtenir des résultats performants de cicatrisation à prix modéré, notamment grâce à ses pouvoirs bactéricides sous l’influence de la glucose-oxydase produite naturellement lors de son élaboration par les ouvrières. Et que dire des travaux sur la propolis qui démontre ses propriétés anti-infectieuses, antibactériennes, anti-protozoaires, antifongiques, virucides, anti-inflammatoires, de régénérations tissulaires, et anesthésiques. Rien que cela ! Il faut également souligner un grand nombre d’études observant des résultats dans la lutte contre certaines formes de cancers. Des chercheurs japonais ont mis en évidence l’action anti-tumorale de la propolis. Par un screening moléculaire ils ont pu comprendre comment la propolis peut posséder un nombre aussi élevé de propriétés chimiques. En revanche, tous les mécanismes d’action de ce produit ne sont pas encore démontrés mais laissent de belles perspectives quant à leur usage médical. Alors, ne nous privons pas de tous ses bienfaits.

Manifeste pour la terre et l’humanisme

Manifeste pour la terre et l’humanisme

Et si nous le pouvons, souhaitons-nous « Santé » pour que l’année soit Dorée. Mais à cet égard, la sagesse doit accompagner la consommation de ce savoir-faire !

En prélude de cette nouvelle année 2015, il me reste à vous offrir une phrase extraite de la réflexion de Pierre Rabhi dans son « Manifeste pour la terre et l’humanisme »4 :

« Pour que les arbres et les plantes s’épanouissent, pour que les animaux qui s’en nourrissent prospèrent, pour que les hommes vivent, il faut que la terre soit honorée. »

Tel est le vœu que je vous dédie !

A suivre…

Benoît Manet

Notes:
2. L’Hostis, Monique. « Oniris: L’Abeille mellifère (Apis mellifera) sentinelle de la pollution de l’environnement et suivi écopathologique des ruchers : étude sur un transect paysager en Pays de la Loire »
3. Différentes études dont celle-ci très récente et réalisée dans notre contexte wallon : Simon-Delso, Noa, Gilles San Martin, Etienne Bruneau, Laure-Anne Minsart, Coralie Mouret, et Louis Hautier. « Honeybee Colony Disorder in Crop Areas: The Role of Pesticides and Viruses ». PloS one 9, no 7 (2014): e103073 (déjà citée dans le billet de novembre dernier)
4. Pierre Rabhi. « Manifeste pour la terre et l’humanisme ». Pour une insurrection des consciences. Editions Babel. Actes Sud, Colibris, 2008
Ce contenu a été publié dans Actualités, Extraits de la revue. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.