Actualité apicole 2012-11

Par Benoît Manet

Dans le bestiaire animal, que dira le rat lorsqu’il rencontrera l’abeille ? Tous deux peuvent se considérer victimes d’un même système où la raison passe trop souvent après l’intérêt. La fable ne commence-t-elle pas en affirmant que  » la raison du plus fort est toujours la meilleure  » (Le loup et l’agneauLa Fontaine). C’est encore une fois une évidence! Pot de terre contre pot de fer, la récente étude sur le maïs transgénique publiée par l’équipe du professeur Séralini est critiquée mais a en tous cas le mérite de pousser le débat sur les autorisations de mise sur le marché (AMM).

Maïs

Champ de maïs

Le sujet avait déjà été évoqué précédemment avec les risques de contamination des miels par des pollens de plantes OGM dans des champs expérimentaux (Affaire Bablok). Cette fois, les OGM font encore parler d’eux dans le cadre d’une étude publiée le 19 septembre dernier dans une revue scientifique à comité de lecture (Food and Chemical Toxicology). Lorsque des rats de laboratoire sont nourris pendant une longue période au maïs transgénique de Monsanto NK603, c’est-à-dire un maïs modifié pour résister à l’herbicide Roundup, lui-même commercialisé par la dite société (cfr. à ce sujet le documentaire interpellant de Marie-Monique Robin,  » le Monde selon Monsanto  » – toujours visible en streaming sur internet), ils développent à terme des tumeurs non-cancéreuses de grande taille. Les résultats de cette étude toxicologique de 2 ans ont évidemment été accueillis avec délectation par les médias, de façon beaucoup plus critique par une partie de la communauté scientifique et les agences gouvernementales telles que l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou encore notre Institut flamand de biotechnologie (VIB-Gent). Le 4 octobre dernier, l’EFSA rendait finalement un avis jugeant l’étude comme étant  » d’une qualité scientifique insuffisante  » pour être validée. L’agence s’est entretemps révisée annonçant ce 30 octobre que ses conclusions définitives seraient publiées dans une seconde déclaration à paraître pour la mi-novembre ceci afin de pouvoir examiner les évaluations réalisées par certains États membres de l’UE, dont l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France et les Pays-Bas. A suivre donc… !

Le propos n’est pas ici de discuter des méthodes et conclusions de l’étude dont l’impact médiatique continue de soulever pas mal de déclarations. Il est plus intéressant de constater que les agences admettent, même du bout des lèvres, que cette étude met en évidence l’urgence de se pencher sur la problématique des AMM et que des études à long terme doivent être lancées en toute indépendance et en toute transparence afin de lever les doutes qui se sont installés. Une façon de reconnaître que jusqu’à présent ce ne fut pas le cas et de dénoncer implicitement les conflits d’intérêt qui existent entre l’Agence européenne et les industriels dans l’évaluation de leurs produits. Tout comme l’opacité qu’elle entretient autour des justifications de mise sur le marché de ces OGM. Ceci épingle également le fait que le législateur européen confie aux industriels l’évaluation des risques de leurs propres produits tout en gardant secrètes les données brutes de leurs études (au sacro-saint nom de la propriété intellectuelle), ce qui est empêche toute analyse contradictoire. Ceci est d’ailleurs interdit lorsqu’il s’agit d’enjeux autour de la santé publique. Ainsi, Monsanto et d’autres bénéficieraient-ils de conditions particulièrement favorables à la mise sur le marché de leurs OGM ? Cette question fait immédiatement écho à ce qui se passe pour les pesticides et les tests d’évaluation des risques pour les abeilles. Rappelons-nous les faiblesses majeures décriées notamment en ce qui concerne l’indépendance des membres-experts et les conflits d’intérêt inévitables qu’ils représentent (relire à ce propos l’article de Stéphane Foucart dans Le Monde paru dans notre revue précédente). Les conditions dans lesquels se passent les tests posent autant de problèmes de crédibilité que certains s’évertuent à critiquer l’étude Séralini ? Pourquoi les études dénonçant ces technologies portées sur le vivant devraient-elles être plus décortiquées que celles menées par les industriels ? Pourquoi ces études financées par les industriels ne pourraient-elles pas être confiées à des laboratoires indépendants afin de garantir l’indépendance légitime de l’Agence ? Pourquoi se satisfait-on d’études sur un laps de temps court sans tenir compte du cycle de vie des organismes-cibles ?

Autant de questions qui parviennent en pleine figure des organismes évaluateurs. Cette étude aura eu au moins le mérite de remettre en cause les modalités des procédures d’autorisation. En espérant évidemment un changement pour le citoyen, … et son environnement ! A suivre…

Benoît Manet

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