Par Benoît Manet
L’automne s’installe … Avec ses feuilles aux coloris dorés, emportées par le vent qui se fait plus turbulent. C’est aussi la saison des prix dont un, prestigieux, remis aux jours frais d’octobre : le Prix Nobel.

Simulation de la desintegration d’un boson de Higgs en 2 rayons de hadrons (centre, 11 heures) et 2 electrons (en bas à gauche, 5 heures) dans le detecteur CMS du LHC au CERN.
By Lucas Taylor (http://cdsweb.cern.ch/record/628469) [CC-BY-SA-3.0], via Wikimedia Commons
Le Prix Nobel est une récompense de renommée internationale remise pour la première fois en 1901 suite aux instructions testamentaires d’Alfred Nobel, celui-ci ayant amassé une petite fortune pour son invention de la… dynamite. Ce prix est remis chaque année (le 10 décembre, jour de l’anniversaire de la mort d’Alfred Nobel) à des personnes, sans distinction de nationalité, « ayant apporté le plus grand bénéfice à l’humanité par leurs inventions, découvertes et améliorations dans différents domaines de connaissance (physique, chimie, physiologie et médecine) » ainsi que dans les domaines de la littérature et de la paix.
Tant de prix distribués dans les différentes branches retenues et combien en lien avec l’abeille ? Pas un nobel pour « nos belles » ? Qu’on se détrompe, l’abeille, tout comme d’autres insectes, ont marqué l’histoire de ce prix prestigieux : drosophiles, vers à soie, poux et moustiques.
On éludera rapidement Albert Einstein, Prix Nobel de physique en 1921, qui se voit, bien malgré lui, attribué la phrase « Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre »… Une histoire belge ? A peu près, du moins en est-ce l’explication donnée en tant que rumeur puisque cette phrase apparaît soudainement pour la première fois en 1994 lors d’une manifestation d’apiculteurs à Bruxelles. Cette phrase est reprise comme prononcée par Einstein sur un folder de l’UNAF: une appropriation de la place qu’occupe ce savant dans la culture collective ? Et encore replacée dans le film « More than honey » sorti il y a presque un an !
Mais en 1911 déjà, l’abeille apparaît comme sujet choisi de l’œuvre littéraire bien connue et écrite par Maurice Maeterlinck (1862-1949) (tiens, un autre belge !) qui recevra le Prix Nobel de littérature pour 3 écrits dont « La vie des abeilles ». Suivant pas à pas la vie d’un essaim, Maeterlinck évoque « cette étrange petite république, si logique et si grave, si positive, si minutieuse, si économe, et cependant victime d’un rêve si vaste et si précaire », en quelque sorte un traité de sociologie … animale.
Mais le Prix Nobel qui est le plus associé à l’abeille est certainement celui qui fut attribué à Karl von Frisch (1886-1982) en 1973. Ces travaux s’orientent dès 1912 sur l’analyse du comportement du butinage des abeilles. Ses principales découvertes concernent la mise en évidence de la perception de la lumière polarisée, l’utilisation de la position du soleil par rapport à la ruche et à la source de nourriture par les butineuses, le rôle de la vision des couleurs et de l’olfaction dans le comportement de butinage, enfin, l’analyse explicative des danses des butineuses.

Butinage de solidago par Apis mellifera carnica
By Frank Mikley [CC-BY-SA-3.0], via Wikimedia Commons
L’étude des comportements de l’abeille se poursuit : l’enjeu est peut-être moins ses applications dans la pratique apicole que l’étude des perceptions, des apprentissages, de la mémoire de cet insecte si fascinant et ses connexions en matière de neurosciences1.
Pour l’anecdote, il en est un, Paul Hermann Müller (1899-1965), qui fut honoré du Prix Nobel de Médecine en 1948 pour ses travaux dans le domaine de la santé humaine par la découverte d’une substance aux propriétés insecticides utilisée pendant les guerres pour lutter contre le pou, vecteur du typhus, ou des moustiques, vecteurs de la malaria : le sinistre dichloro-diphényl-trichloréthane ou DDT.

Un moustique Anophèle stephensi obtient son repas d’un hôte humain à travers sa trompe pointue
By Jim Gathany (CDC) [CC-BY-SA-3.0]
Rien n’est parfait. Mais heureusement, si le G20 connait à chacune de ses réunions un rendez-vous intermondialiste, le Prix Nobel a aussi son pendant. En 1968, après avoir ajouté un prix d’Economie aux autres disciplines, des voix réclamèrent qu’un prix soit dédié à l’écologie et à l’environnement, ces préoccupations ne se posant pas au moment où le prix a été créé. Mais ce prix spécifique ne fut pas accepté. En réponse, un suédois Jakob von Uexkull mit sur pied un Prix Nobel alternatif dès 1980 en revendant sa collection de timbres : le Right Livelihood Award. Ce prix vise à valoriser des solutions pratiques et exemplaires pour les défis les plus urgents en matière d’environnement, de droits de l’homme, de développement durable, de santé, d’éducation et de paix, tout en gardant, point essentiel pour ce prix, un équilibre entre hommes et femmes, entre le Nord et le Sud. Une incitation à penser autrement ! A noter un rapport récent (juin 2013) de cette instance visant à repenser l’agriculture autrement, en phase avec une modernité rurale, et notamment vis-à-vis de sa dépendance aux pollinisateurs.

Conférence Beecome
By CARI
A suivre …
Benoît Manet