Actualités apicoles 2016-09

Par Benoît Manet

Parole de climatologue, l’année 2016 pourrait être l’année la plus chaude depuis 1880, année du début des relevés coordonnés. Une année qui bat encore bien des records. L’une des raisons qui expliquent ce dépassement des moyennes est la forte présence d’El Niňo dans le Pacifique auquel s’ajoute aussi le réchauffement lié aux activités humaines. Par contre, sous nos contrées, la météo fut inattendue : les valeurs saisonnières ont été dans la moyenne pour les températures, mais avec un déficit d’insolation et un excédent de précipitations en juin, début d’été marqué par des orages, des inondations. Ces événements ont largement compromis les espoirs de récoltes abondantes pour cette année 1.

Les principales ressources pour nos régions, tels le robinier et le tilleul, ont vu leurs fleurs abîmées, hypothéquant la miellée d’été. Certaines colonies se sont retrouvées en manque de nourriture surtout après la récolte de printemps. De même, les essaimages et les élevages n’ont pas permis de trouver les conditions idéales aux vols de fécondation des futures reines. Ce n’est qu’un peu plus tard que les conditions sont revenues à la normale pour connaître un épisode de chaleurs vers le 21 juillet mais aussi en cette fin de mois d’août avec quelques journées caniculaires et quelques records de température dépassés (plus de 32°C le jeudi 25 août).

Pollen de maïs By Bernardo Bolaños (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

Pollen de maïs
By Bernardo Bolaños (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

Pendant ce temps, nos colonies se préparent doucement à la période hivernale. Les miellées sont terminées et elles profitent des quelques ressources encore disponibles. Le paysage agricole semble un désert sans fleurs en cette période. Pourtant, il est une culture qui normalement dès la mi-juillet va commencer à disperser son pollen pendant plusieurs semaines 2. Cette année, la floraison du maïs a commencé un peu plus tard vers la fin de juillet. Au sommet de la plante se trouvent les fleurs mâles qui fourniront un maximum de pollen 5 heures après le lever du soleil 3. Cette période correspond au pic de butinage pendant lequel les ouvrières visiteront les parcelles de maïs. Le pollen est abondant ; chaque épi en produit 15 mg par jour soit l’équivalent d’une pelote récoltée par une butineuse, ce qui permet une récolte facile et rapide. Les relevés de trappes à pollen illustrent le rôle important du maïs dans l’alimentation de l’abeille en cette période de l’année puisqu’il participe pour plus de 50% du bol alimentaire de la majorité des colonies et ce malgré le peu d’observations de butineuses au champ sur les inflorescences. A contrario, si cette ressource peut se montrer abondante, elle est connue pour avoir une faible valeur nutritive (en protéines et minéraux) comparée à d’autres (comme le pollen de colza ou de phacélie par exemple). Ce pollen possède également une très faible teneur en histidine, un des 10 acides aminés indispensables pour l’abeille 4. Cette carence pose la question du devenir des colonies lors de manques de nutriments essentiels. Heureusement, d’autres ressources même ténues participent aux besoins des abeilles en période de floraison du maïs.

Butinage des chardons

Butinage des chardons

Il est ainsi inattendu de retrouver une série de plantes des champs, considérées comme adventices (les mal nommées « mauvaises herbes ») comme la mercuriale annuelle ou les chardons, qui apparaissent dans les plages où la culture s’est moins bien développée et participent pour un tiers dans les apports polliniques avec près d’une centaine de plantes différentes. Cependant, comme le pollen de maïs, ces pollens d’adventices sont contaminés par une série de pesticides exposant les abeilles qui parcourent la flore spontanée de cultures ou bords de cultures à des risques d’intoxication (ne fut-ce que chroniques) même lorsque cette culture est considérée comme ne produisant ni nectar, ni pollen (le cas des céréales à paille p.ex.). Cette teneur en pesticides est parfois accusée d’avoir un effet retard dans ses effets du fait du stockage et d’une consommation différée de cette ressource chargée en toxiques. D’où l’utilité d’intégrer le pollen dans la matrice des échantillons analysés pour évaluer l’incidence des phytos, ce qui semble mieux admis actuellement.

UPV.be

UPV.be

Sur un plan sanitaire, la période qui suit le retrait des hausses est aussi un moment stratégique pour entamer la lutte de longue durée contre la varroase. Il est à noter que depuis le 8 août dernier, la législation vétérinaire a quelque peu évolué. Elle vise à une simplification administrative tout en prônant le contrat de guidance vétérinaire avec le producteur afin d’assouplir les démarches et les stocks de médicaments. Si les produits à base de thymol peuvent être délivrés en pharmacie sans ordonnance, il n’en est pas de même pour le traitement flash de fin d’année. Il est à noter qu’un site dédié à la lutte contre la varroase à été mis en ligne à l’initiative de l’Union professionnelle des Vétérinaires (UPV). Il y est notamment fait mention des médecins vétérinaires avec un intérêt pour l’apiculture 5 : une liste de 9 noms pour toute la Wallonie ! Les traitements recommandés et déconseillés y sont recensés. Mais sachez d’emblée que les acides organiques et les huiles essentielles n’ont pas la cote auprès de ces prescripteurs ; seule la chimie dure rencontre leur faveur.

Test de l'allumette pour la loque américaine By Tanarus (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

Test de l’allumette pour la loque américaine
By Tanarus (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

Toujours sur le plan sanitaire, il faut signaler la détection de plusieurs foyers de loque américaine dont un récent situé dans la région d’Andenne. Une zone de protection de 3 km a été établie autour du foyer conformément à la législation sur les maladies contagieuses des abeilles. Ce sujet ne doit cependant pas rester tabou et doit être abordé en toute lucidité par rapport aux implications qui en découlent.

Cet été, un phénomène impromptu de développement du couvain en mosaïque au départ de cires achetées a été relayé sur les forums. Le problème semble général : il a tout au moins été observé en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. Les feuilles gaufrées sont étirées mais la reine dénigre le cadre ce qui se traduit par un couvain en mosaïque avec des larves d’âge différent. Au bout de 3 à 4 cycles, le phénomène tend à s’estomper pour aboutir à un couvain plus homogène. Les premiers résultats d’analyse ne mettent pas en évidence des traces d’insecticides ou d’acaricides ou, en tous cas, pas différents des résidus retrouvés dans les échantillons-témoins. La cire incriminée semble réagir différemment à la fusion ce qui semblerait traduire une adultération. Du fait d’une demande mondiale constamment en croissance et de sa valeur pour les pays producteurs, la tendance est à la falsification, au mélange avec d’autres produits aux caractéristiques assez proches mais au coût moindre (recours à la paraffine par exemple 6). Mais ici, le point de fusion des cires incriminées semble plus élevé ce qui semble écarter cette piste. Par ailleurs, des essais avec une paraffine de qualité mélangée à la cire ne semblent pas affecter le développement des colonies testées. Les procédés industriels de fabrication incluent aussi une phase de « lavage » de la cire. Une suspicion existe quant au savon utilisé et au respect des règles de fabrication. Le SPF Santé publique se penche sur la question en collaboration avec les fédérations et a lancé récemment un appel pour que tous les nouveaux cas soient signalés afin d’évaluer correctement l’ampleur du problème. Si vous êtes concernés, vous êtes invités à enlever les cadres présentant les symptômes décrits immédiatement et à les conserver pour être analysés. Une enquête de la FAB en lien avec cette annonce prévoit également l’analyse d’échantillons douteux pour peu que ceux-ci puissent être documentés sur leur origine (n° de lot entre autres).

A suivre…

Benoît Manet

Notes:
1. Les quantités de miel récoltées en été étaient d’une vingtaine de kg en moyenne par ruche en 2015 (source : CARI). Elles sont bien moindres en 2016.
2. Le maïs fourrager est bien présent en Wallonie. Il représente environ 50000 ha.
3. Thibord, J.B. et al. 2015. Mais quand donc les abeilles vont-elles dans les maïs ? Phytoma n° 681.
4. Clefs pour l’alimentation. Besoins alimentaires des abeilles : voir cet article du CARI
5. Comprenez qui ont suivi en 2014 une formation de 4 heures ayant pour thème « les principes de base en gestion de la santé apicole », formation suivie d’un atelier d’un jour dédié à la problématique du varroa
6. Le point de fusion de la cire se situe entre 60° et 65°C. Celui de la paraffine varie selon sa qualité : entre 44°C et 66°C selon qu’elle est de mauvaise ou de bonne qualité.
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