« Au rucher » 2016-03

Par Michel Smet

Avec l’arrivée des premiers beaux jours de mars, les températures diurnes et nocturnes augmentent et sont encore rarement négatives. La durée de l’ensoleillement suit le même parcours, on dit que les jours « rallongent ». C’est le printemps qui est à nos portes et qui engendre cette reprise d’activité de la nature. Nos avettes aussi ne sont pas dupes et reconnaissent ce moment de l’année qui est indispensable pour elles pouvoir renouveler les abeilles ayant passés l’hiver par des abeilles de printemps qui participeront à la grande miellée.

Faut-il aider les peuples à se développer au printemps? C’est toujours la grande question que l’on se pose en cette période de l’année. Comme vous savez que l’apiculture est un art et non une science, il y aura plusieurs réponses différentes à cette question. En effet, suivant le but poursuivi, plusieurs façons de faire se présenteront à nous. Si on souhaite que les colonies récoltent du miel, il nous faut faire en sorte que les butineuses soient nombreuses au moment de la grande floraison printanière qui englobe les arbres fruitiers, le colza, l’aubépine qui, habituellement, annonce la fin de la miellée de printemps. Suivant la région où se trouvent vos colonies, ces différentes floraisons se manifesteront sur un laps de temps qui ne sera pas identique à d’autres régions. Tout l’art apicole sera de bien étudier la région en question afin de déterminer le plus précisément possible les dates des différentes floraisons. Une fois ce travail réalisé, vous connaitrez alors le moment judicieux auquel vous pourrez procéder à la stimulation de la ponte de la reine, afin d’obtenir les butineuses qui empliront vos magasins à miel. Comme dit plus haut, c’est là que réside la difficulté de l’art apicole. En effet, si les conditions climatiques nous jouent un mauvais tour, nous aurons, par la stimulation, engendré un « gros paquet » de butineuses qui ne pourrons pas travailler car mauvais temps. Il s’en suivra alors un départ forcé des essaims qui chercheront alors une nouvelle maison, faute de place. Par contre, si tout « tourne » bien, c’est le succès assuré pour une récolte de miel optimale et les hausses seront remplies de nectar en quelques jours seulement.

Pollen à la planche de vol

Pollen à la planche de vol en mars
By Monika Dispas [CC-BY-NC-3.0]

Si nous optons pour la production d’abeilles en vue de la réalisation d’essaims sur cadres, alors on ne sait pas se tromper: la stimulation des colonies s’impose à tout coup faire car plus vite on a des ruches fortes, plus vite on va pouvoir les diviser, et plus vite elles pourront se développer en une nouvelle colonie forte et prête pour affronter l’hiver. Pour rappel, on ne constitue plus de nouveaux essaims au mois d’aout, c’est trop tard! Sauf exception, les essaims ainsi constitués ne parviendront jamais à élever les abeilles grasses d’hiver saines qui franchiront la période froide. Même en apiculture, on ne sait pas faire « saigner une pierre », ne l’oublions jamais, et le nature a ses limites qu’il ne faut jamais franchir au risque de tout perdre.

Comme il faut 21 jours pour produire une abeille depuis la ponte de l’œuf, et que l’abeille devient butineuse sur la fin de sa vie, nous allons donc devoir calculer quand nous devrons réaliser cette stimulation de la ponte de la reine qui nous donnera un nombre important d’abeilles des champs. Le calendrier des floraisons locales prend ici toute son importance, car c’est lui qui va guider les opérations à faire pour atteindre le but recherché. Environ trente jours avant la date probable de la grande floraison printanière, et si le temps de permet, nous visitons rapidement les peuples à développer afin de griffer une partie de la nourriture restante. Cette façon de procéder va provoquer le nettoyage des zones griffées et un déplacement de la nourriture ainsi mise à l’air. Une augmentation de la ponte de la reine va automatiquement s’en suivre car les abeilles aiment l’ordre et la propreté et ce faut semblant de miellée excite la ponte. Attention: on ne stimule jamais une colonie qui a faim, ou dans laquelle la nourriture est en passe de faire défaut! Dans pareil cas, il faut d’abord rétablir le volant de provisions par apport de candi et ou de sirop lourd (si la température le permet), puis seulement penser à une stimulation quelconque. Sachez cependant que ce « rééquilibrage » des forces provoquera aussi la relance de la ponte de la reine! En effet, tout apport de nourriture, qu’il soit naturel ou artificiel, induit cet effet au sein de la colonie qui ne fera pas la différence entre stimulation et rétablissement du volant de nourriture. C’est donc à nous, berger des abeilles de nous tracasser de cela!

Lors de ce griffage des petites parties de nourriture operculée, il faudra faire vite et bien en se hâtant lentement comme le disait si bien feu Paul Petit. Pourquoi? Tout simplement par ce que le refroidissement du peuple serait catastrophique pour le couvain présent qui réclame, pour rappel, pas moins de 35 degrés. Cette opération sera donc effectuée par une journée chaude et ensoleillée afin de perturber le moins possible les abeilles. Huit jours plus tard, vous pourrez observer combien cette stimulation est bénéfique pour le développement de la colonie. De plus, on fait d’une pierre deux coups dans le sens que l’on provoque l’augmentation du volume de ponte tout en diminuant la quantité de réserve hivernale restante et qui, de ce fait, ne se retrouve pas dans les hausses lors de l’extraction. Encore un plus pour la qualité du miel récolté! Attention de toujours bien penser au volant de nourriture qui doit rester présent dans la ruche. Le risque de pillage est lui aussi évité par cette façon de faire, du moins si on n’a pas griffé plus de nourriture que la colonie est capable de gérer. C’est aussi une question de feeling qui s’acquière assez vite au vu de la population présente dans la ruche.
Prévoir aussi de l’eau fraiche à proximité du rucher. L’élevage des abeilles en réclame beaucoup, sachez-le.

Par la suite, les beaux jours seront de plus en plus nombreux et l’élargissement des peuples par l’apport de cadres de cire gaufrée pourra être réalisé. Attention, là aussi, il faut mesurer ce que l’on fait et ne pas donner plus de cadres que les abeilles peuvent occuper, car dans ce cas, on ferait pire que mieux! Pour les adeptes de la ruche divisible, c’est à ce moment de l’année que le gros avantage de ce type de ruche se fera sentir car l’agrandissement sera réalisé par l’apport de cadres déjà bâtis l’année précédente, cadres dans lesquels la reine s’empressera de déposer sa ponte, d’où un gain de temps très appréciable dans le développement des colonies. Pour les autres, le placement d’un cadre de cire gaufrée se fera entre le cadre de pollen et le dernier cadre de couvain, afin d’éviter tout refroidissement. Si le peuple n’est pas fort assez, on reportera cette opération à plus tard. Il ne faut pas aller trop vite!

Les cadres trop vieux seront aussi éliminés de la colonie s’il en reste encore. On pourra alors resserrer le peuple tout en lui donnant un cadre à bâtir en lieu et place de deux cadres retirés. La cire sera d’autant plus vite bâtie et occupée par du couvain, surtout si dès que bâtie, elle est placée au milieu du nid. Les abeilles n’y placeront alors pas de pollen et la reine pourra y pondre sans encombre.

En avril, la floraison du colza engendrera beaucoup de travail dans les ruches; les cadres de hausses seront prêts à être mis en place dès le moment venu. Ne vous laisser pas surprendre car quand la miellée débute, tout va aller très vite, parfois même trop vite!

Avant toute opération dans les colonies, assurez-vous toujours de bien avoir tout le matériel nécessaire comme cadres de cire gaufrée, cadres de hausses, enfumoir, combustible, voile en bon état, gants, etc….de telle façon à refroidir les colonies le moins possible surtout au printemps, lorsque les températures sont encore capricieuses.
Un contrôle assidu et régulier de l’infestation de varroas sera aussi réalisé tout au long de la saison. Nous devons plus que jamais faire en sorte qu’il y en ait le moins possible dans nos peuples. Ce vampire reste la cause principale de la disparition de nos avettes. Il faut s’en tracasser en continu par des contrôles réguliers du plateau de fond de ruche mais aussi par la présence d’abeilles aux ailes atrophiées, signe que varroa est bien présent dans le peuple. Un traitement en saison peut parfois être nécessaire après le retrait des hausses à miel bien sûr! N’oubliez jamais que si vous respectez vos abeilles, elles vous le rendront au centuple. A bientôt.

Michel Smet

A relire: « Au rucher » mars-avril en 2015.

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