Balade nature à Gelbressée

Par Louis Joveneau

L’abeille est l’anthère ailée qui porte la vie aux fleurs.
Michelet

Ce dernier dimanche après-midi d’avril, sous un ciel ensoleillé, Éric Melin emmène une quarantaine d’apiculteurs (trices) et amis(ies) de l’abeille à la rencontre de la flore apicole dans la contrée de Marchovelette.

La première plante rencontrée est une véronique (scrophulariacée). C’est une petite plante peu visitée par l’abeille. Son pollen est blanchâtre. La couleur des pelotes du pollen récolté permet parfois de déterminer le type de fleurs visitées.

Promenade à Gelbressée

Promenade à Gelbressée
By Jean-Michel Miessen[CC-BY-NC-3.0]

Puis nous rencontrons une euphorbe (euphorbiacée). Cette plante d’ornement en bordure d’un jardin peut être attractive pour l’abeille sauvage. Les euphorbes sont reconnaissables au latex laiteux contenu dans leurs tiges.

Ensuite l’attention de notre guide est attirée par un prunier-cerise (rosacée). Cet arbre buissonnant, au feuillage pourpre, appelé aussi prunier myrobolan pissardii a été ramené d’Asie mineure par le jardinier français Pissard. La floraison de cet arbre à haut potentiel pollinifère et nectarifère suit celle des saules. Elle précède de trois semaines celle des fruitiers et d’une semaine celle du prunelier.

Le prunier-cerise sert fréquemment de porte-greffe. Il a la capacité de se reproduire.
Sa présence sous notre climat depuis plus d’un siècle le place parmi les espèces exotiques envahissantes et non invasives.

Après avoir longé un court instant le ruisseau de la Gelbressée, nous nous dirigeons vers la ferme de Maquelette. De là, nous empruntons un large chemin agricole caillouteux qui s’élève lentement vers le fort de Marchovelette. Ce fort construit dans les années 1890 joua un rôle de défense lors des deux dernières guerres mondiales.
Des espèces ligneuses envahissent tout le domaine militaire. Les arbres et arbustes rencontrés qui présentent un intérêt apicole sont :

  • les saules marsault (salicacées), arbre à fleurs dioïques. Les fleurs mâles sont les chatons jaunes visités par les abeilles au début du printemps pour le pollen nécessaire au développement du couvain. Les fleurs femelles sont nectarifères,
  • les robiniers(faux-acacias) (fabacées syn. papilionacées ou légumineuses), arbustes originaires d’Amérique du nord dont le premier spécimen a été planté il y a plus de 400 ans par Robin, jardinier d’un roi de France. Cette espèce exotique naturalisée se reproduit par graines et par rejets. Les robiniers colonisent les talus et les terrils étant donné que leurs drageons fixant les terres ralentissent l’érosion de celles-ci. Ses fleurs en grappes odorantes ont un haut potentiel nectarifère surtout quand la température est supérieure à 20°. Le nectar floral fournit un miel très clair et très liquide,
  • les taillis de ronces (rosacées), qui fleurissent plus tard dans la saison ont un haut potentiel pollinifère et surtout nectarifère. Le caractère antioxydant de leur pollen renforce la résistance de l’abeille à la nosémose. Par ailleurs, le sous-bois de ronces n’est pas exposé aux pulvérisations chimiques. Les ruches et les ruchers devraient disposer dans leur environnement immédiat d’un tiers au moins de zones boisées.
  • l’Ophrys apifera (orchidacée) est une espèce protégée. Cette plante évoluée assure sa pollinisation en émettant une phéromone sexuelle spécifique qui attire une seule espèce d’abeille sauvage.

Les explications d'Eric Melin

Les explications d’Eric Melin
By Jean-Michel Miessen[CC-BY-NC-3.0]

Eric Melin explique alors la relation très étroite entre les plantes à fleurs et les insectes butineurs. L’évolution biologique des plantes à fleurs et des insectes butineurs s’est effectuée sur des millions d’années. Les innovations évolutives sont l’apparition des poils sur le corps de l’insecte qui devient un vecteur de transport du pollen dans le cas de la fécondation croisée des plantes. Les poils sur les pattes des abeilles optimisent la récolte du pollen dans les corbeilles. L’odorat s’est affiné, l’ acuité visuelle et la perception des couleurs notamment dans l’ultraviolet se sont perfectionnées au cours de évolution biologique. Les plantes à fleurs sont devenues hermaphrodites depuis que les étamines pour le sexe mâle et le pistil pour le sexe femelle sont réunis sur la même fleur. Dans 80 % des cas la pollinisation des fleurs est entomophile.

Un mutuellisme, un « win-win » s’est établi progressivement entre les plantes à fleurs et les insectes butineurs. Prenons le marronnier comme exemple de mutuellisme. La forme pyramidale de ses inflorescences optimise le butinage. L’odeur sucrée du nectar floral attire l’abeille. Le point jaune au centre de ses fleurs invite l’abeille à les visiter pour la pollinisation. Dès que les fleurs ont été fécondées la production nectarifère cesse et le point jaune vire au rouge, couleur neutre pour l’abeille.

Sur le chemin du retour nous avons vue sur le relief légèrement ondulé du bassin hydrographique de la Gelbressée et sur le paysage hesbignon voué principalement à la grande culture. Celle-ci est pauvre en ressource alimentaire pour l’abeille. La destruction des neurones de l’abeille est à imputer aux neurotoxiques et aux nicotinoïdes utilisés en agriculture. Ces substances chimiques sont dangereuses pour notre santé et pour tous les organismes vivants. Ainsi une diminution de 5% de couvaisons a été constatée chez les oiseaux qui s’abreuvent dans les flaques d’eau.

Les autres plantes identifiées au retour de la balade sont :

  • La stellaire (caryophyllacée), dont peu d’espèces sont attractives pour l’abeille des ruches.
  • L’alliaire officinale (brassicacée), plante à fleurs, intéressante en massif.
  • La vesce (fabacée, syn. légumineuse) plante très attractive pour les insectes butineurs.
  • La chélidoine (papavéracée), plante herbacée à fleurs jaunes dont les tiges contiennent un latex jaune.
  • Le tussilage farfara ou Pas d’Ane (astéracée syn. composée) première composée à fleurir au printemps sur les terrains remaniés. Ses fleurs jaunes sont très riches en pollen. Il est aussi intéressant que le pissenlit.
  • Le lamier galéobtolon (lamiacée syn. labiée), les fleurs jaune vif sont intéressantes pour les bourdons. Nectar et pollen sont recherchés simultanément sauf si besoin spécifique de nectar ou de pollen.

Au terme de cette balade conviviale, Michel et Nathalie Smet nous accueillent chez eux pour partager le verre de l’amitié. Ensuite Michel fait visiter ses installations apicoles. Nous les remercions chaleureusement pour l’organisation de cette randonnée et pour leur bon accueil.

Nous remercions aussi Eric Melin pour ses commentaires instructifs et pertinents sur la flore apicole.

Louis Joveneau

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