« Au rucher » 2018-03

Par Michel Smet

A l’heure où j’écris ces quelques lignes, la neige tombe et des températures de moins 20 degrés sont annoncées. Dans quelques jours, nous serons en mars! Pas évident pour nos colonies de démarrer à élever les butineuses qui feront la récolte printanière dans quelques semaines. Question nourriture, certains peuples ont dû être pourvus d’un pain de candi car trop légers pour pouvoir atteindre la récolte des premiers nectars sans que cela pose problème. En effet, nous savons tous que la colonie en hivernage, et par grand froid, ne consomme finalement que peu de nourriture. Mais dès que la reine redémarre sa ponte, les consommations vont aller crescendo, que cela soit en matière sucrée comme en protéines, donc en pollen. Si tout le nécessaire se trouve dans la ruche, alors nous n’avons rien à craindre, du moins dans un premier temps. Il nous faudra tout de même contrôler tout cela régulièrement afin de ne pas être pris au piège du manque de réserves, et finalement, perdre la colonie par la faim. Le plus gros problème c’est que 10 colonies alignées dans un même rucher ne consomment pas toutes la même quantité de réserves. C’est donc par un soupesage comparatif que nous pourrons estimer qui doit recevoir un pain de candi de qui peut s’en passer. Comment s’y prendre? Plusieurs façons de faire se présentent à nous: si nous avons placé une feuille de plastique en dessous du couvre-cadres pour la mise en hivernage des colonies, nous pouvons alors intervenir sans causer de problème au peuple. Dans ce cas, je retire le toit de la ruche, ainsi que le couvre-cadres « rigide » en bois ou vitré, et je trouve l’endroit exact où se trouve la grappe d’abeilles par transparence au travers de la feuille plastique. Je réalise une ouverture dans le plastique à l’aide d’un cutter et je place le pain de candi à cet endroit, sur la grappe. Je retourne alors le couvre cadres en bois muni de ses lattes de pourtour et le replace sur la ruche. L’épaisseur de la latte de bois correspondant à peu près à l’épaisseur du pain de candi, cela ne pose pas de problème. Ceux d’entre vous qui travaillent avec un couvre cadres NICOT se retrouvent dans le même cas. Pas de problème donc. Cette façon de faire permet au candi d’être placé au plus près des abeilles, et de pouvoir être réchauffé à température de la grappe. Pour ceux qui ne se trouvent pas dans ce cas de figure, il leur faudra placer le pain de candi directement sur le trou de nourrissement prévu dans le couvre cadres. Inconvénient: il ne se trouve peut-être pas à l’endroit où se trouve la grappe d’abeilles et en plus, les abeilles doivent traverser l’épaisseur du couvre-cadres pour atteindre le candi. Bien moins évident donc!

Dès que les températures extérieures se réchaufferont, nos avettes réaliseront leur vol de propreté et commenceront la récolte des premiers pollens de crocus, saule marsault, etc. C’est la période la plus attendue par les apiculteurs que nous sommes car c’est la vie qui reprend son cours avec, en perspective, les récoltes de miels.

Il fait froid en ce moment, certes, mais nous ne devons surtout pas nous endormir. Les cadres de corps et de hausse doivent être finalisés afin que tout soit prêt pour la visite de printemps. Les cadres bien secs car stockés dans un endroit bien aéré seront contrôlés: les fils détendus seront retendus, mais pas trop afin de ne pas déformer les lattes de bois. La roulette zig-zag est très efficace à cet égard. Elle ondule le fil détendu en toute sécurité.

Les feuilles de cire gaufrées seront placées au chaud quelques heures, à environ 20 degrés afin de les placer dans les cadres sans « casse ». L’utilisation d’un transformateur de courant permet de souder vite et bien les feuilles de cire. Certes, c’est un achat un peu coûteux, mais si on en prend soin, on le garde toute sa vie d’apiculteur. Et quel temps gagné!

En ce début d’année apicole, c’est aussi le moment de ressortir du grenier les différentes plantes que l’on a coupées en fin d’été telles que tanaisie, fougère, lavande, thym, etc…. et de les passer au broyeur électrique ou de les couper en petits morceaux de 3 ou 4 cm à l’aide du taille haie. Une fois terminé, on replace le tout dans un sac en jute afin de finaliser le séchage et éviter tout pourrissement de la matière. Croyez-moi, ce combustible fonctionne à merveille, et ne coûte rien.

Tout votre matériel sera aussi revu et corrigé comme il se doit. Tout sera prêt pour la grande visite.

Et la grande visite, on la réalisera dès que les températures extérieures auront atteint environ 20 degrés si possible. La visite se fera « en se hâtant lentement » comme le disait si bien feu mon ami Paul Petit. Qu’est-ce à dire? Il faut visiter en sachant ce que l’on doit faire et chercher. Pas question de « faire mumuse » en cette période de l’année avec des températures qui peuvent encore varier très fortement. Le but sera surtout de contrôler la présence d’un volant de nourriture correct et suffisant, de la présence d’une ponte en couvain d’ouvrières, preuve qu’une reine en ponte est présente; inutile donc de retourner toute la ruchée pour la trouver. Cette recherche approfondie pourra être réalisée plus tard, quand les chaleurs diurnes seront de mise.

En cas de colonie forte, voire très forte, on placera un cadre de cire gaufrée en bordure, entre le dernier cadre de couvain et la planche à pollen. En effet, les premières cirières seront vite en activité et doivent pouvoir travailler. Pour ceux qui travaillent en divisibles, ils placeront un cadre bâti en cellules d’ouvrières de hausse ayant hiverné en armoire directement au centre du peuple si il est fort assez. La reine ira y pondre dans les heures qui suivent, surtout si on l’a préalablement aspergé d’eau miellée. Les colonies plus faibles seront quant à elles resserrées, voire transférées en ruchettes afin de faire en sorte qu’elles puissent entretenir plus facilement les 36 ° C indispensables à tout couvain. Comme le disait jadis Henri Renson, « au printemps, une grosse colonie se tient dans une petite ruche afin que ça chauffe plus facilement« . Pour atteindre ce but, les plateaux tiroirs seront replacés au fond des ruches et les coussins supérieurs également. En un mot, tout sera mis en œuvre pour faciliter le travail de chauffage des avettes et le développement du couvain, en vue de la miellée qui sera vite à nos portes.

Michel Smet

A relire: « Au rucher » mars-avril en 2017.

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