« Au rucher » 2018-01

Par Michel Smet

En ce début d’année, le calme le plus plat doit régner au rucher. En effet, les abeilles hivernantes demandent de ne pas être dérangées, sauf au cas où le traitement anti-varroa d’hiver n’a pas encore été réalisé. C’est, à mon sens, le seul cas pour lequel un quelconque dérangement de la grappe peut-être admis. Certes, nous savons que cela n’est pas idéal, mais comme on dit, c’est un mal pour un bien. Attention que ce traitement hivernal n’est pas d’office réalisé sur tous les peuples. Voici comment je procède: avant toute chose, il est important de savoir quelles sont les colonies qui réclament le traitement de celles qui peuvent s’en passer. Pour ce faire, je place le plateau de fond sous le grillage des colonies à contrôler. Trois jours plus tard, je contrôle le nombre de varroas tombés sur le plateau. S’il y en a plus de 3, je prévois de réaliser le traitement. Entre 1 et 3, je ne traite pas les colonies, estimant que la pression de l’acarien reste admissible pour commencer la saison printanière. Un contrôle sera renouvelé avant le placement des hausses à miel, lors du développement des peuples et un traitement sera réalisé à ce moment si nécessaire. Pour traiter en hiver, deux possibilités: la formule acide oxalique liquide faite maison, ou sous forme de BeeVital, ou alors, par sublimation d’un gramme d’acide oxalique en utilisant l’appareil ad-hoc. Je vous renvois à la rubrique de décembre dernier pour les informations complémentaires.

Sans vouloir « broyer du noir » à outrance, ce que je présageais le mois dernier se vérifie une fois de plus: certains apiculteurs ont déjà perdu leurs colonies à l’heure où j’écris ces lignes. Toujours les mêmes problèmes rencontrés: on retrouve les ruches vides d’abeilles et les cadres remplis de nourriture, ou alors, de gros paquets d’abeilles mortes se trouvent sur le fond ou le devant des ruches, comme si elles avaient atteint l’âge de la mort suite à un travail ardu de butinage. Si votre traitement anti-varroas de juillet a bien été réalisé, et que en octobre, vos colonies étaient bien nourries et peuplées, avec un gros paquet d’abeilles, mais qu’aux alentours proches du rucher se trouvaient des champs de moutarde ou autre phacélie, ne cherchez pas plus loin, vous avez trouvé le coupable. Le butinage de masse tardif de fin d’année use prématurément toutes vos abeilles qui sont sensées « être au chômage » afin de s’économiser et passer le cap de la saison froide et rejoindre le printemps suivant. Tant que des plantes produisant une grosse miellée (moutarde et phacélie) seront utilisées en fin d’année, nous perdrons nos abeilles. Et je ne vous parle pas de la qualité des pollens et nectars récoltés sur ces plantes qui « nettoient » les champs des surplus d’engrais dispersés en saison. J’ai personnellement réalisé des essais en déplaçant les colonies hors de ces zones de butinages tardifs, et les résultats sont là: si on parvient à empêcher les abeilles destinées à hiverner de butiner massivement et que la varroase est bien gérée, les avettes passent l’hiver sans problème. Le gros inconvénient de cette méthode, c’est qu’il faut tout d’abord trouver un endroit « clean » de toute moutarde ou phacélie à 4 km à la ronde, sur lequel on est autorisé à placer les ruches, puis, de déplacer toutes les colonies vers cet endroit. Autant dire un travail de titan! On peut se permettre de le faire pour quelques peuples, mais pas pour de grosses quantités de ruches, c’est trop laborieux. Une fois de plus, tant que nos élus ne comprendront pas qu’il faut absolument arrêter la création de ces miellées tardives par les semis de plantes à fleurs, nous perdront nos colonies d’abeilles. N’existe-t-il pas d’autres plantes « sans fleurs » qui pourraient à un prix équivalent remplacer celles utilisées comme « piège à nitrates » et qui empoisonnent la vie des apiculteurs? Je pose la question.

Bien sûr, il est prévu de ne pas laisser fleurir cette phacélie utilisée, mais combien d’agriculteurs respectent cet engagement? Ils attendent, pour la plupart, un coup de gelée qui est sensé détruire le tout…..mais cela n’arrive quasiment jamais, ou alors trop tard, en janvier ou février. Bref, il devient de plus en plus difficile de faire de l’apiculture en Wallonie part les temps qui courent. Il faut s’accrocher, s’entraider, et faire tout notre possible pour expliquer à nos élus tous ces problèmes rencontrés qui restent, j’en demeure convaincu, contournables. N’y a-t-il pas un adage qui dit « il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions » ? Qu’attendent-ils pour les sortir de leur chapeau une bonne fois pour toutes? Nous voterons bientôt……ne sera-ce pas le moment de sanctionner ceux qui doivent l’être?

Michel Smet

A relire: « Au rucher » janvier-février en 2017.

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