Par Michel Smet
Que de remue-ménage dans les colonies en cette fin de saison 2017!. En effet, la chute du prix des semences de phacélie a donné l’occasion aux cultivateurs d’emblaver un gros paquet d’hectares de terre de cette plante mellifère et pollinifère. Cette plante a donc, en une année, supplanté la traditionnelle moutarde qui prenait place fin de saison dans les terres ayant produit des céréales et autre colza. Une aubaine me direz-vous. Et bien non, c’est même une catastrophe pour nous, apiculteurs.
En effet, ces nectars et pollens tardifs qui entrent dans les peuples provoquent une effervescence qui est nocive pour les abeilles. Car, il faut bien le dire, ce sont les abeilles grasses d’hiver qui se transforment en butineuses tardives au lieu de rester « à la maison » et de ne pas s’épuiser à la récolte, situation qui est normale d’habitude. Résultat des courses, les abeilles destinées à passer les 6 mois d’hiver sont déjà, à l’heure ou je vous parle, épuisées par ce travail de récolte tardive. Ca, c’est le premier point négatif. Second point négatif, ce miel de phacélie est chargé des produits chimiques épandus dans les cultures précédentes; il en va de même du pollen qui sert à élever les dernières abeilles destinées à passer l’hiver. Chaque année, je crie haut et fort que ces cultures florales tardives sont des plus toxiques pour nos avettes et qu’il faudrait les supprimer. Que disent nos élus? Ces plantations tardives permettent de capter le surplus d’engrais laissé par la culture précédente et permettent un « nettoyage » des terres. Ne serait-il pas plus simple de répandre moins d’engrais dans les champs, engrais bien calculé qui serait totalement capté par la plante cultivée? Ne sommes-nous pas une fois encore dans une logique absurde qui contente les marchands d’engrais au grand désarroi des apiculteurs? Tout ceci pour dire qu’une fois encore, nous risquons de retrouver nos ruchers vides d’abeilles au printemps, des suites de ces floraisons tardives toxiques. Et comment empêcher nos butineuses de se gorger de ce nectar qu’elles prennent comme miellée tardive? C’est que de la phacélie ou autre moutarde en fleurs, il y en a partout et le temps clément que nous avons connu ces dernières semaines a très largement incité les butinages tardifs et nocifs pour nos avettes. Nous verrons au printemps si tout cela se vérifie, mais d’expérience, je puis vous dire que je ne sens pas bien la suite de l’hivernage des peuples.
Côté travail au rucher, il se terminera avec le placement des coussins d’hivernage, des toits étanches et de la réduction des entrées afin qu’aucun nuisible ne puisse entrer dans les ruches.
Côté atelier, nous pourrons, si ce n’est fait, refondre les cadres qui le méritent afin d’éviter la propagation de la fausse teigne. Une fois fondus, les cadres de bois seront lavés dans une lessive de soude en cristaux afin de les dégraisser et de faire disparaître les traces de propolis. Un rinçage minutieux s’ensuit lui-même suivi d’un séchage des cadres afin des les stoker dans les meilleurs conditions. Nous les ressortirons au début du printemps pour retendre les fils qui doivent l’être et y placer les feuilles de cire gaufrée.
La période froide est aussi celle de la vente des produits de la ruche. Tout sera mis en œuvre pour contenter la clientèle. N’oublions pas qu’elle nous fait vivre. Comme le dit si bien mon vieil ami « Jean légumes« , il faut garder le client, le contenter autant que faire se peut. Il est finalement notre rentrée d’argent principale; il ne faut jamais l’oublier.
La période froide est aussi celle des journées courtes et des soirées longues. Temps idéal pour s’adonner à la lecture de livres récents traitant de la culture des colonies. Pour rappel, les cours dispensés par les différentes écoles ne parviendront jamais à valoir la démarche personnelle. Etre autodidacte est le secret de la réussite en apiculture…..comme dans les autres disciplines aussi. Mais là, je ne vous apprends rien. Bref, l’hiver est la période idéale pour apprendre la théorie que nous mettrons en pratique dès le mois d’avril. Pour rappel, notre ami Jean-Marc Molenberg a constitué une très belle bibliothèque au sein des Avettes qu’il tient de main de maître et qu’il n’hésite pas à mettre à jour avec des ouvrages récents. Profitez-en sans réserve, elle est faite pour vous. Vous y trouverez, c’est certain, le complément d’informations qu’il vous manque encore, et comme on en manque toujours….
Vers le 15 décembre, lors d’une journée tiède, nous procéderons au traitement d’hiver des peuples à l’aide de l’acide oxalique. Deux possibilités de faire: sous forme liquide, dans du sirop de sucre 50/50, ou alors, en sublimation à l’aide d’un appareil ad-hoc. La formule sirop sera utilisée si les grappes d’abeilles sont formées dans les peuples. La matière sucrée répandue sur les abeilles sera alors répartie d’abeille en abeille par trophallaxie et le but sera atteint. Si le temps est relativement chaud et que les abeilles occupent tout le volume de la ruche, alors, j’opte pour la sublimation d’un gramme d’acide oxalique di hydrate dont les vapeurs toucheront toutes les abeilles. Le traitement sera alors optimal et liquidera les derniers varroas phorétiques encore présents sur les abeilles. Vous serez surpris par le nombre d’acariens encore présents dans certaines colonies, alors que d’autres n’en possèdent presque plus, et que toutes ont subi un traitement de longue haleine fin juillet.
Enfin, en cette fin d’année, il me faut vous présenter à toutes et tous, mes meilleurs vœux pour 2018; que le miel coule à flots et que nos petites amies se portent pour le mieux. A bientôt.
Michel Smet
A relire: « Au rucher » novembre-décembre en 2016.