« Au rucher » 2017-03

Par Michel Smet

Une fois de plus, le bilan de l’hivernage cette année est mitigé. En effet, certains déclarent des pertes allant de 75 à 100%. D’autres nous disent qu’ils n’ont que très peu de pertes de colonies. Essayons d’y voir un peu plus clair.

Commençons par les traitements contre ce fléau qu’est la varroase: ont-ils bien été réalisés à temps et à heure? Pour rappel, le traitement de longue haleine de fin de miellée (10 semaines), dès fin juillet, permet à la colonie, en trois générations de 21 jours, de s’épurer de ses varroas et d’élever des abeilles grasses d’hiver de qualité et en bonne santé. Ca, c’est la base de la base si on veut atteindre le printemps suivant. Cependant, l’expérience nous apprend que, lors du second traitement dit « d’hiver », un certain nombre, voir un nombre certain de varroas se trouvent toujours dans les colonies. En effet, le traitement de longue haleine peut fonctionner au mieux, la dérive des butineuses et le pillage de colonies plus faibles, peut faire en sorte de réintroduire du varroa dans une colonie correctement traitée. Donc, prudence!! Surtout, ne pas se dire : j’ai bien traité en juillet, donc je suis tranquille! C’est faux, ou partiellement faux. Dans la mesure du possible, le traitement d’hiver sera effectué vers le 15 décembre afin de s’assurer de l’état de santé des peuples. C’est primordial.

Second problème: en fin de saison, les colonies n’ont-elles pas bénéficié d’une miellée tardive de moutarde? Si c’est le cas, vos abeilles grasses d’hiver ont été élevées avec du pollen intoxiqué par la rémanence des produits phytos de la dernière culture avant le semis de moutarde. Dans ce cas, nous ne pouvons plus rien y faire; il eut fallu déplacer les peuples à l’écart de ces cultures empoisonnées mais….. Qui va faire cela? Peu d’apiculteurs y pensent. Le printemps venu, on constate des colonies vides de leurs abeilles et c’est la désolation.

Mais venons-en à ce qui nous préoccupe en ce début mars. Souvent, les peuples ont déjà eu la possibilité de récolter du pollen frais de qualité qui participe à la reprise de ponte des reines, pour le plus grand bonheur de l’apiculteur. Dès que les températures le permettront, nous ouvrirons les peuples pour réaliser une visite furtive qui consistera essentiellement à contrôler la présence de la reine par sa ponte, et surtout la quantité de réserve présente. C’est en effet maintenant que la colonie ne doit surtout pas manquer de nourriture car, vu la reprise de ponte, il serait catastrophique et mortel qu’elle se trouve dans cet état. Lors de la visite, si on remarque la présence de nourriture operculée sur le dessus des cadres, on peut pratiquer le griffage de cette dernière qui va provoquer son déplacement, et finalement la transformation de cette nourriture en abeilles. C’est la meilleure des stimulations printanières car elle ne perturbe pas le développement du peuple. Tout se trouve au sein de la grappe: nourriture, pollen et abeilles. Même en cas de coup de froid subit, on ne court aucun risque, à condition de ne pas avoir griffé trop de nourriture en une fois. Il faut y aller progressivement, petit à petit, au fil des visites pratiquées. Si cette opération est bien menée, elle fera en sorte que vos colonies soient en présence d’un gros bataillon de butineuses le moment venu, à la floraison des arbres fruitiers et autre colza.

Dans les colonies les plus fortes, un cadre de cire gaufrée prendra la place d’un cadre devenu bon à être réformé. Au moins deux cadres par année doivent être réformés; c’est un minimum. Mais où le placer me direz-vous? Entre la planche à pollen et le dernier cadre de couvain. Du moins, c’est la place qu’il prendra dans un premier temps, afin de ne pas couper le couvain en deux ce qui pourrait causer une catastrophe si le froid devait réapparaitre. Par la suite, la semaine suivante, si le cadre est partiellement bâti et occupé par les abeilles, on le déplacera vers le centre de la colonie, là où ça « travaille », là où il fait chaud. Il sera vite terminé et emblavé d’œufs. Si vous le laissez en rive, et que la pollinie donne, il sera vite rempli de miel et pollen. Vous aurez alors raté l’occasion de faire bâtir un beau cadre et le mettre à disposition de la reine pour sa ponte. Je sais que cela peut paraître compliqué, mais c’est de la logique pure; nous devons bien comprendre et admettre que si nous voulons arriver aux buts que nous recherchons, nous devons faire avec la nature et pas selon nos désidératas. Pour ce faire, nous devons bien comprendre comment la grappe fonctionne afin d’aller dans le même sens, et pas contre elle. C’est toujours au centre du nid à couvain que tout se passe, que la vie de la colonie se trouve. A nous de profiter de cet état des choses.

Comme nous ne placerez des cires à bâtir que si les peuples sont forts et en bonne santé, vous aurez aussi griffé quelque peu les provisions périphériques au nid à couvain. Vous serez surpris, dans de telles conditions, de voir à quelle vitesse les cirières bâtissent les rayons afin de donner place à la reine pour sa ponte.
Petit à petit, la colonie va gonfler en volume et le moment de placer la première hausse à miel se fera sentir. Là, nous sommes début ou mi avril, car il ne faudrait pas augmenter le volume de la ruche trop vite, mais il vaut mieux un peu trop tôt qu’un peu trop tard car sinon……les essaims pourraient s’envoler, et comme ce n’est pas le but recherché….. Pour les débutants, pas le choix, ils devront placer une hausse à miel garnie complètement de cadres de cire gaufrée car ils n’ont rien d’autre à disposition. Pour les autres, ils placeront en alternance, un cadre bâti et un cadre à bâtir. En effet, nous devons donner du travail aux cirières qui sont à présent en masse dans la colonie. Tous ces apports de travail freinent les velléités d’essaimage de nos avettes, pensez-y. La hausse sera placée sur une grille à reine en bon état. Elle évitera à la reine de placer sa ponte dans la récolte de miel, ce qui est toujours fâcheux et complique l’extraction du miel.

La seconde hausse sera placée sous la première afin de soulager les magasinières dans leur travail de transport du nectar. Il faut les faire travailler, certes, mais à bon escient! Si vous menez bien l’art apicole, vous remarquerez qu’il ne faut pas trois semaines à nos avettes pour remplir les greniers à miel. Quelques jours de grande miellée suffisent amplement, mais pour cela, il faut trois conditions simultanées à savoir, un fort bataillon de butineuses, des gros paquets de fleurs à butiner, un temps clément qui permet la récolte du nectar. Mais tout cela, nous en reparlerons une prochaine fois.

Michel Smet

A relire: « Au rucher » mars-avril en 2016.

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