« Au rucher » 2013-05

Par Michel Smet

Nous y voici enfin! Un printemps digne de ce nom semble pointer le bout de son nez. Certains ruchers ont beaucoup souffert de cet hiver long et froid, mais voici enfin les premiers beaux jours. Le coeur des apiculteurs bat fort lorsque la visite de printemps peut enfin être réalisée. En ce qui me concerne, elle s’est déroulée le dimanche 14 avril, par une température de plus de 20 degrés. Très bonnes conditions s’il en est pour réaliser ce travail.

Mai et visite de printemps

Mai et visite de printemps

Bilan: mitigé, mais optimiste car aucune perte dans deux ruchers et 50 % dans le troisième. Premier constat, les deux ruchers sans perte sont constitués de colonies de l’année et donc possédant peu de varroas. Le troisième, quant à lui, est celui dans lequel j’élève et conserve les mâles que j’utilise pour inséminer mes reines sélectionnées. Ces mâles sont bloqués leur vie durant dans la ruche et ne volent jamais. Vous avez déjà compris que l’élevage des mâles engendre inéluctablement celui des varroas qui les accompagnent. Comme je dis, c’est un mal pour un bien. Impossible de faire autrement si on veut conserver des abeilles douces et prolifiques.

Varroa au cadre-témoin

Varroa au cadre-témoin
By Philippe Bajoit [CC-BY-NC-3.0]

Tout cela pour vous rappeler que si une lutte sérieuse contre la varroase n’est pas effectuée correctement, la colonie ne tient pas le coup plus de deux à trois ans. Après, elle s’effondre inéluctablement. Cà, c’est le premier problème. Le second problème arrive avec la présence de neurotoxiques dans les environs du rucher. Si, lors de la floraison des maïs, la colonie est en manque de pollen, elle butinera le maïs qu’elle trouvera à sa disposition. Si ce maïs est toxique, les abeilles d’hiver élevées avec ce pollen disparaitront de la ruche petit à petit et laisseront la ruche vide de toute vie au printemps. Cela fait plus de 10 ans que j’explique les pertes de colonies de la sorte et les instances scientifiques semblent bien confirmer mes propos. Du reste, l’interdiction de ces produits est sur la sellette pour le moment. L’avenir nous dira qui aura raison, la logique du bon sens ou l’argent.

Mais revenons à nos butineuses. Si vous possédez des colonies en bonne forme, les hausses devront être placées rapidement; nous avons dû effectuer ce travail le 20 avril dernier dans le rucher école. Toutes les colonies réclamant ce supplément de place ont été haussées comme il se doit. La floraison du colza est imminente dans notre région et promet une belle récolte. Pour rappel, ce miel doit être récolté dès la fin de la floraison sous peine de ne plus parvenir à le sortir des cadres, et ce, même si les conditions climatiques ne sont pas favorables. Prudence donc.

Dans les corps à couvain, les cadres à bâtir seront mis à disposition des cirières car il faut donner du travail à tout le monde. Les premières ponctions de cadres pourront déjà avoir lieu pour autant que l’on dispose de reines vierges de qualité à mettre à disposition de ces ruchettes fraichement constituées. Les mâles pubères sont désormais présents dans les ruches et ne demandent qu’à servir ces majestés que sont nos reines d’élevage. Pour rappel, une saine sélection dans les reines n’est pas un luxe si on veut conserver une douceur et une prolificité dignes de ce nom. Des » lions », non merci. J’ai assez donné jadis! Si cela devait réapparaître, j’arrêterais directement l’apiculture. Quel plaisir de réaliser la visite de ses colonies sans devoir revêtir un scaphandre. Certes, cela réclame du travail, et plus particulièrement un travail assidu de sélection, mais quel bonheur de voir des abeilles travailleuses et douces à la fois. Cela n’est plus un luxe, sachez-le.

Les apiculteurs possédant des ruches divisibles, se borneront quant à eux, à placer des hausses à bâtir, étant donné qu’ils auront placé des cadres bâtis l’année précédente en hausse, dans les corps. C’est à mon sens l’avantage le plus important des divisibles. On gagne du temps au printemps, par le placement de cadres prêts à être pondus directement dans le nid à couvain alors que les possesseurs de ruches Dadant y placent des cires à bâtir. C’est là, à mon point de vue, que la divisible surpasse les autres types de ruches dans la production précoce de miel de printemps. Par la suite, cet avantage s’annule par le fait de la plus grande facilité de conduire des ruches à grands cadres par rapport aux ruches divisibles. C’est un choix à faire à la base, ni plus ni moins.

Cerisier

Floraison du cerisier
By Philippe Bajoit [CC-BY-NC-3.0]

Si les conditions climatiques sont favorables, et si vous travaillez correctement, vous devriez réaliser une récolte de miel de printemps honorable. C’est évidemment tout le mal que je vous souhaite.

Le mois de mai est aussi celui des élevages de reines s’il en est. Les mâles pubères sont légions et les fécondations ne devraient pas poser de problèmes particuliers. Profitez-donc de ce mois pour élever quelques reines de qualité qui vous réaliseront votre récolte de l’an prochain. N’oubliez jamais que l’avenir est dans la jeunesse. Seules de jeunes reines prolifiques sont capables de vous donner le bataillon requis de butineuses pour réaliser des récoltes dignes de ce nom. Cet élevage de reines n’est pas si difficile que cela à réaliser, nous vous le prouvons chaque année lors des cours dispensés dans le rucher école des Avettes. Il faut avant tout bien maîtriser les tenants et les aboutissants et savoir où l’on va. Le reste du travail est réalisé par nos abeilles, ne l’oublions pas. Si vous élevez à partir d’une reine de qualité, vous n’aurez qu’exceptionnellement des reines médiocres au sortir de votre élevage. En effet, la première génération F1 ne donne que rarement des reines de piètre qualité. Il en va autrement des générations suivantes qui subissent l’inexorable loi des croisements incontrôlés rencontrés lors des vols de fécondations successifs. Ainsi est faite la nature qui nous joue parfois de mauvais tours! A nous de faire en sorte de …

Fin mai, viendra le moment de réaliser les ponctions de cadres de couvain operculé et constituer quelques ruchettes de réserve qui pourront renforcer éventuellement vos colonies de production l’an prochain. C’est également, à mon sens, la meilleure façon de lutter contre varroa. En effet, quand vous retirer trois cadres de couvain operculé d’un peuple et que vous les remplacer par des cires à bâtir, vous embarquer également tous les varroas contenus dans ce couvain. Après plusieurs essais fructueux dans ce sens, je suis en mesure de vous garantir que cela fonctionne très bien. De plus, vous faites d’une pierre deux coups, car vous réduisez fortement une quelconque velléité d’essaimage par cet « écrémage » des peuples. Que demander de plus. Certains apiculteurs détruisent ce couvain operculé au lieu de l’utiliser pour constituer des ruchettes de réserve. Je trouve cela dommage et inutile quand on sait qu’il y a un cruel manque d’abeilles sur le marché. Si un traitement efficace est appliqué, on peut franchement utiliser ces abeilles sans aucun problème. A chacun sa façon de faire et de voir les choses.

Mai

Mai, mois du colza

En juin survient le creux dans la miellée et nous devons en tenir compte lors de l’extraction du miel de printemps. Ne rien laisser à nos avettes n’est certainement pas chose à faire. Je pense particulièrement aux possesseurs de divisibles car le miel est très souvent et complètement stocké dans les hausses. Lors de l’extraction, n’oubliez-pas de laisser quelques cadres de miel dans les ruches sous peine de les voir mourir de faim si le manque de nectar devait perdurer quelque peu. Ce cas est relativement rare en Dadant, sauf si on possède des reines de compétition qui vous pondent les cadres « de latte à latte » comme le disait si bien notre regretté Paul Petit. Plus souple donc la conduite de la Dadant comme déjà dit plus haut.

En un mot comme en cent, l’extraction du miel sera réalisée dans un local propre, possédant une alimentation d’eau froide et qui sera lavable facilement. Une cuisine convient très bien. Quant au travail du miel et sa mise en pots, nous en reparlerons prochainement.

Michel Smet

A relire: « Au rucher en mai-juin » en 2012

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