Actualités apicoles 2013-05

Par Benoît Manet

26 février 2013

Stéphane Hessel

Nous avons appris la disparition à 95 ans de Stéphane Hessel, cet ancien résistant et déporté. Il était un témoin privilégié dans l’élaboration de la première charte des droits de l’homme en 1948 et est surtout connu pour son investissement dans la cause des « sans-papiers » et pour son manifeste « Indignez-vous ! ».
Lors de ces allocutions, il aimait évoquer les abeilles de façon poétique : « Nous sommes des abeilles qui butinons le visible pour le rendre invisible. C’est-à-dire que notre rôle sur cette terre est de comprendre suffisamment ce qui nous entoure, d’en être suffisamment proche pour le préserver, dans la façon dont nos vies successives contribuent à créer une invisibilité permanente de l’humain. »
Obstinément optimiste, Stéphane Hessel n’a cessé de défendre la paix et la dignité.

25 février 2013 et 30 mars 2013 – Etonnante abeille

On connaissait parmi les moyens de communication les danses et les phéromones. Deux actualités nous présentent un aspect moins connu : la détection des champs électriques par les insectes.

On pressentait jusqu’ici que le champ électrique positif accumulé pendant le vol permettait aux grains de pollen de se coller plus facilement dans les poils branchus du corps de l’insecte. Selon une étude britannique, les insectes utiliseraient ces champs électriques également pour déterminer si une fleur a déjà été visitée par un congénère. Ceci leur permet d’être plus performants dans leur butinage. Le battement rapide des ailes de l’insecte fait apparaître des charges électriques sur son exosquelette. En se posant sur la fleur, il se décharge de cette électricité qui apparaît alors comme un signal pour un suivant qui évitera de la visiter à nouveau alors qu’elle a été vidée de son contenu. Cette propriété particulière viendrait en complément des signaux qu’offre la fleur par sa forme, sa couleur et son parfum pour communiquer avec l’insecte.

La deuxième actualité provient de travaux effectués en Allemagne par l’équipe du Professeur Menzel et permet de comprendre le sens et l’intérêt de cette électrosensibilité. Selon les auteurs, les abeilles pourraient utiliser ces champs électriques accumulés pendant le vol pour communiquer entre elles notamment dans le noir de la ruche. Ces champs provoquent spontanément une répulsion antennaire. Ceci se traduit par un fléchissement proportionnel à l’approche du champ et une activation des cellules sensorielles ciliées (scolopidies) présentes dans l’organe de Johnston. Les études ont montré l’émission d’un influx nerveux en présence du champ électrique. Par là, la fonction de cet organe découvert seulement en 1989 aux fonctionnalités encore peu claires pourrait avoir un rôle prépondérant, décrit pour le moment comme un organe sensible aux mouvements et à l’équilibre. Néanmoins, il semble que la charge électrique individuelle participe à la cohésion et à l’activité de la colonie. En cela, ces études entrouvrent la porte vers de nouvelles découvertes et notamment en neurobiologie.

20 mars 2013

Des Abeilles et des Hommes

Des Abeilles et des Hommes

Sortie dans les salles belges du film « More than Honey » de Markus Imhoof (sorti sous le titre francisé de « Des abeilles et des hommes – et si les abeilles disparaissaient »).

Mais que nous apprend ce documentaire annoncé comme œuvre incontournable par les médias ? Malgré de magnifiques images dont les techniques de macrophotographie permettent des séquences époustouflantes, l’auteur navigue entre une apiculture traditionnelle de montagne, plutôt présentée comme dépassée, et une apiculture intensive où l’insecte est utilisé comme instrument de profit. Et un apiculteur américain devant un verger d’amandier en fleur où bruissent ses abeilles de prononcer : « Vous entendez, c’est le bruit de l’argent ! » et d’aborder le poids que représentent les abeilles dans la mondialisation des marchés « Ces amandiers ont été pollinisés par des abeilles venues d’Australie, les amandes ont poussé aux Etats-Unis, et maintenant on les envoie en Espagne, où elles seront pelées et grillées. Elles prendront ensuite l’avion pour le Japon, où elles seront utilisées pour la préparation d’un dessert traditionnel. Il aura fallu quatre continents pour confectionner un gâteau.»

L’abeille n’est vue que comme un outil indispensable à notre économie et à notre survie. La solution apportée par l’auteur semblerait devoir passer par la production de reines sélectionnées. Mais voilà probablement le but non avoué du cinéaste : faire la promotion de l’activité de son beau-fils pour la production de super-abeilles, seule solution réelle selon lui à l’apiculture de demain. Dans son analyse, les raisons des dépérissements observés ne sont pas remises en cause. Il évoque même l’intérêt de conserver des abeilles tueuses parce que non malades. L’auteur laisse le spectateur conclure que les abeilles pourront survivre malgré tout.

Des documentaires sur le sujet sont certes nécessaires pour faire comprendre au grand public l’utilité des pollinisateurs. Mais d’autres réalisations sont certes plus pertinentes dans leur message.

20 mars 2013

PlanAbeilles-SPF Santé Publique

Plan Abeilles
SPF Santé Publique

A côté du plan régional, mieux connu sous le nom de « Plan Maya », c’est maintenant au tour du Service public fédéral de se doter d’un « Plan Abeilles » pour tenter d’aider nos butineurs. Par ce plan, s’étalant entre fin 2012 et juin 2014, la Belgique reconnait la pollinisation comme un service « public » indispensable à la société et entend s’engager par une série de mesures visant à réduire le dépérissement des abeilles. Les actions proposées s’articulent autour de 8 niveaux d’action comprenant en tout 29 mesures.

Difficile de tout résumer : il s’agit de mesures essentiellement politiques au niveau d’engagements européens, d’intégration dans différents autres plans existants au niveau de la réduction des pesticides ou du maintien de la biodiversité, mais aussi au niveau de la recherche et de la communication. Priorité sera donnée sur la prévention, la surveillance, la cohérence, l’intégration et la sensibilisation en concertation avec les Régions et autres Départements fédéraux concernés. Des avancées sont également annoncées dans la lutte contre les espèces invasives comme par exemple le frelon asiatique. Au travers de cet exemple, on mesure toutefois la complexité d’intervention que présente l’organisation de notre pays nécessitant une politique harmonisée au niveau interministériel en collaboration avec les différents niveaux de pouvoir (fédéral, communauté, communes). Ce plan, pour être cohérent, doit avoir une action forte sur l’évaluation et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. A ce sujet, nous pouvons rappeler et souligner la position de la Belgique dans le vote proposé par la Commission européenne visant l’interdiction de 3 insecticides néonicotinoïdes sur certaines cultures pendant 2 ans. Ce vote n’ayant pu trouver la majorité suffisante lors de sa présentation en séance de la mi-mars a été reconduit le 29 avril dernier.

Le nombre d’éléments prouvant la toxicité de ces pesticides sur les abeilles vient encore d’augmenter. Deux études scientifiques menées en laboratoire viennent de livrer de nouveaux résultats sur les effets qu’ont ces produits, seuls ou combinés, sur les butineuses. Il apparaît qu’ils affectent clairement leurs capacités d’apprentissage et de mémorisation, tout comme le coumaphos, cet acaricide potentiellement encore utilisé dans la lutte contre le varroa et dont l’action s’additionne lorsqu’elle est mise en contact simultanément avec d’autres insecticides !

29 avril 2013

Cruiser

Exemple: Cruiser, de Syngenta

Finalement, la Commission européenne a décidé de suspendre l’usage dans l’Union européenne des 3 pesticides incrimés dans la mortalité des abeilles. Quinze pays se sont prononcés « pour », dont Allemagne qui s’était abstenue lors du premier vote, huit pays « contre » (dont la Grande-Bretagne et l’Italie, revenue sur sa position initiale) et quatre se sont abstenus.
Faute de majorité qualifiée, c’est la Commission qui a édicté cette décision.

Certes, une bonne nouvelle, mais peut-on parler de victoire ? C’est une étape qui nécessitera de la vigilance. D’une part, il ne s’agit que d’un moratoire à partir du 1er décembre prochain (l’interdiction ne portant que pour 2 ans) et n’est pas totale (ne concerne que ces 3 molécules et pour certaines cultures ne comprenant pas les céréales). Par ailleurs, la riposte des sociétés phytopharmaceutiques et du monde agricole est attendue. Ces sociétés défendront leurs investissements, découvrant même de nouvelles armes. Pour preuve, ces courriers, rendus publics, envoyés par ces industriels auprès des commissaires pour essayer d’influencer leur décision.

Oui, tel Stéphane Hessel, nous avons toutes les raisons de nous montrer indignés !

A suivre …

Benoît Manet

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