Actualités apicoles 2018-01

Par Benoît Manet

Début d’année, temps des vœux et des bilans. Un moment qui permet de faire le point en regardant dans le rétroviseur pour aller de l’avant, re-prendre le cap.

L’année 2017 fut marquée par deux évènements météorologiques notoires pour l’apiculture. D’une part, une nuit de gelée noire le 20 avril qui, particulièrement assassine, mit le halte-là dans bien des floraisons, grillant les fleurs fraîchement ouvertes mais hypothéquant également les floraisons d’été, le tout combiné à un déficit en pluviosité, ce qui ne pouvait laisser attendre une récolte abondante. La saison estivale a permis de rattraper çà et là le manque du printemps avec des ressources donnant des miels un peu différents de l’ordinaire. Plus tard dans la saison, en septembre, une période déterminée par une faible crête anticyclonique suivie en octobre par une zone de haute pression amenant de l’air subtropical renforcée un peu plus tard par le passage de la tempête Ophelia nous fit connaître une période particulièrement clémente pouvant dépasser les 20°C, avec un record de température le 16 octobre atteignant les 25,7°C. Cette arrière-saison particulièrement clémente a permis aux butineuses de récolter abondamment sur les après-cultures de moutarde et de phacélie. Outre les problèmes de résidus que celles-ci peuvent présenter, il était aussi à craindre une certaine forme d’usure prématurée de nos récolteuses. En plus de saturer le nid à couvain de nectar frais et de pollen, ces abeilles d’hiver profitaient de cette miellée et consommaient déjà sur leur potentiel de vitellogénine dans leur corps gras. Les constats de cette fin d’année avec des colonies déjà dépéries en certains endroits en est-il la conséquence ? Peut-être est-ce dû également à un effet combiné par le développement du varroa en arrière-saison qui profite de quelques cycles de couvain supplémentaires ? Le traitement hivernal est certainement indispensable pour maîtriser la quantité de varroas encore présents dans les colonies. Une attention particulière lors de la visite de printemps devra également examiner la place disponible pour la ponte de la reine eu égard aux planches de pollen amassé qui resteront encore présentes à cette époque dans le nid à couvain. Au vu de la clémence des derniers automnes et de l’utilisation des après-cultures fleuries, il est indispensable d’y être attentif pour éviter un blocage de ponte dès le printemps.

Ainsi, l’année 2017 se résume par une pluviosité particulièrement déficitaire (hormis le mois de décembre) ainsi que par une température moyenne supérieure à la normale (+0,8°C). Ce constat devient plus que régulier puisque depuis 2000, presque toutes les années 1 présentent une température supérieure à la moyenne, signe mesurable d’un réchauffement. Et ce n’est pas la « bombe cyclonique » de ces derniers jours qui sévit sur l’Amérique du Nord induisant des températures polaires-records qui me fera twitter le contraire 2

Un des évènements marquants de l’année 2017 fut également l’adoption d’un plan Abeilles au niveau fédéral. Ce fut l’occasion de prendre connaissance des résultats de plusieurs études entamées ainsi que d’annoncer de nouveaux projets en faveur des abeilles. Un des points du plan concerne l’ouverture du marché des médicaments vétérinaires pour plus d’efficacité dans la lutte contre le varroa. Trois nouveaux produits de traitement sont venus s’ajouter en 2017 aux traitements disponibles à base de thymol: ce sont l’Oxuvar 5,7%, le Varromed et le Polyvar Yellow. Ces produits sont disponibles sur commande en pharmacie sans prescription vétérinaire. A contrario, ceci déforce la guidance vétérinaire 3 que d’aucuns voulaient proposer aux apiculteurs pour s’assurer d’un approvisionnement facilité en médicaments. Au point qu’une vidéo devrait être proposée prochainement au monde apicole pour en expliquer les « avantages ». Par la mise sur le marché d’un médicament à base d’acide oxalique 4, c’est une véritable avancée règlementaire qui se profile pour le traitement flash en période hors couvain. C’est d’ailleurs le bon moment pour effectuer ce traitement au vu du développement potentiel de ce parasite à la faveur des conditions automnales. Idéalement 3 semaines après un petit coup de froid pour profiter du minimum de couvain possible.

L’année 2017 fut également l’occasion de promouvoir l’utilisation de la cagette Scalvini pour l’encagement des reines en juillet en vue d’un traitement d’été efficace. Malgré les contraintes inhérentes au repérage et à l’isolement des reines de chaque colonie, cette technique semble avoir satisfait de nombreux apiculteurs. Cet achat groupé s’inscrit directement dans le programme d’aides européennes (co-financé pour moitié par la Wallonie) qui vise 8 thèmes dont l’assistance technique et la lutte contre les maladies et parasites, … Il est régulièrement demandé pourquoi un dénombrement annuel des ruches est nécessaire et quel en est sa légitimité ? N’est-il pas un moyen indirect de s’immiscer dans la pratique individuelle ? Au contraire, cette opération permet de défendre au niveau national l’obtention de ces subsides européens répartis entre les états membres au prorata du nombre de ruches déclarées. C’est ainsi qu’au niveau wallon et bruxellois, nous pouvons bénéficier d’aides pour le secteur – dans ce qui est appelé le programme miel coordonné par le Cari – avec entre autres l’organisation de journées techniques (comme la journée de l’apiculture le 28 janvier prochain à Namur ou celles relatives à la problématique du varroa ou encore les week-ends thématiques dont le prochain en février sera consacré à la qualité des reines) ou récréatives (Trophée St-Ambroise ou Tournoi des ruchers), de matériel par l’achat groupé (cas des cagettes Scalvini mais aussi d’autre matériel selon les priorités), de prix préférentiels à l’analyse de miels, … mais aussi en lien avec le projet BeeWallonie, une vitrine de l’apiculture et des savoir-faire en Wallonie, en termes d’enjeu social, sanitaire, économique et environnemental notamment pour ce qui est de la recherche mais également de la formation dans les ruchers-écoles. A ce sujet, nous sommes évidemment très satisfaits d’avoir été retenus à nouveau pour un cycle de formation de base ayant démarré en septembre dernier. Les candidats-élèves ont commencé leur première année de formation tandis que le programme précédent se poursuit pour les deuxièmes années.

Et comme annoncé en ouverture de chronique, le début d’année est aussi celui des vœux. Je voudrais placer cette année sous le signe de la transmission. Elle est le thème d’un livre récemment paru 5 et cosigné tout en le sous-titrant « ce que nous nous apportons les uns les autres ». Une valeur sûre qui prend tout son sens au sein d’un rucher-école, un endroit de formation, mais surtout un lieu d’échange de notre expérience, de nos valeurs, non pour donner la façon de procéder mais ouvrir des pistes pour que chacun y décèle les aptitudes qui le guideront dans son apiculture. Ainsi, nous transmettons plus ce que nous sommes que ce que nous savons. En apiculture, l’humilité est de mise. Le deuxième signe à valoir pour cette année sera celui de l’entraide. Et si le monde n’était pas fait que de compétition mais là où la coopération peut réapparaître comme une valeur largement utilisée dans l’éventail du vivant, que ce soit chez les plantes, les champignons, les animaux mais aussi chez l’humain. Le modèle initié par l’abeille au sein de ce super-organisme n’est-il pas un exemple singulier de solidarité.

Que cette « autre loi de la jungle » 6 puisse nous éclairer pour repenser nos sociétés dans ce qu’elles ont de meilleur. Très belle année 2018.

A suivre …

Benoît Manet

Notes:
1. à l’exception de 2010 et 2013 (source IRM).
3. La guidance vétérinaire a été adoptée le 22 mai 2017. Elle a visiblement du mal à s’imposer malgré une incitation de 75 EUR apportée à l’apiculteur adhérant sur base volontaire.
4. Le médicament coûte aux environs de 15 EUR pour un flacon de 275 g ce qui correspond au traitement par dégouttement de 10 colonies.
5. Céline Alvarez, Christophe André, Catherine Gueguen, Ilios Kotsou, Frédéric lenoir, Caroline Lesire, Frédéric Lopez & Matthieu Ricard, 2017. Transmettre. Ce que nous nous apportons les uns les autres. Editions L’Iconoclaste.
6. Pablo Servigne & Gauthier Chapelle, 2017. L’entraide, l’autre loi de la jungle. Editions Les Liens qui Libèrent.
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