Actualités apicoles 2016-01

Par Benoît Manet

Des souhaits pour 2016 ? Et si l’on y insérait « L’Utopie » ?

Thomas More

Thomas More (1478-1535)

Ne fut-ce que parce qu’il y a 500 ans exactement, un humaniste anglais, Thomas More (1478-1535)1, en inventait le mot et le concept en publiant à Louvain un petit livre qui allait gagner le monde. Cet ouvrage qui prône la tolérance et la discipline au service de la liberté dans un monde proche de l’idéal doit nous inviter à réinventer le mot au présent : oser imaginer en ces périodes troubles un monde meilleur.

A l’heure où le terrorisme s’imprime dans nos vies et ébranle nos certitudes, jusqu’à nous faire basculer dans la paranoïa, nous voyons poindre également des signes d’espoir. Notre société a une faculté de résilience, de rebond face à l’inacceptable. Cette capacité nous montre que l’humanité nous permet de retrouver nos marques. Ce phénomène inné est également présent dans les écosystèmes face aux catastrophes ainsi qu’au niveau des espèces et de l’abeille pour ne citer qu’elle.

Le déclin de l’abeille domestique a conscientisé la société du rôle majeur qu’elle joue au bénéfice de son environnement. Des études ont essayé de comprendre les causes de ce déclin du fait des parasites et de l’activité humaine notamment au travers de l’usage des pesticides2. Ces facteurs de stress engendrent une réponse physiologique ou comportementale négative que les chercheurs ont essayé d’identifier au niveau moléculaire. Les effets se sont particulièrement marqués au niveau des capacités d’apprentissage essentielles au butinage. Une étude récente conclut également à un risque accru de désorientation lors d’une exposition à ces toxiques3. L’espérance de vie des butineuses étant diminuée, la colonie réagit et adapte sa stratégie au niveau du couvain en rééquilibrant celui-ci pour produire un maximum d’ouvrières. Cette forme de résilience permet de corriger la surmortalité enregistrée.

De tout ceci, la victime n’est peut-être pas celle que l’on croit. Par son activité de butinage, l’abeille assure un rôle essentiel dans la pollinisation et la fructification des plantes. Un apport partagé par le travail des autres pollinisateurs comme les bourdons et d’autres abeilles solitaires. L’action de ces pesticides en réduit la densité ainsi que leurs comportements de développement et de reproduction. Mais contrairement à l’abeille domestique, ces espèces ne présentent pas cette même capacité de rebond. Leur diminution peut avoir des conséquences dramatiques pour les écosystèmes naturels ainsi que pour la production agricole. Ainsi, il a été mesuré une diminution du nombre de pépins des pommes pollinisées par des bourdons exposés aux pesticides4. Une moindre performance mais qui a des conséquences sur la qualité des récoltes et sur l’économie alimentaire.

L’autonomie alimentaire au travers d’un modèle agricole performant mais respectueux de la nature et des écosystèmes doit rester un leitmotiv sinon un enjeu de taille pour les décennies à venir. L’essor de la population mondiale, de notre dépendance énergétique, du changement climatique et des problèmes de santé humaine au travers d’une alimentation de qualité doit nous amener à réfléchir l’agriculture de demain. Dernièrement, Philippe Pointereau présentait à Gembloux un exposé éclairant sur les défis de l’agriculture des prochaines décennies pour garantir une production soutenable qui réponde aux enjeux sociétaux et environnementaux. C’est-à-dire une transition vers l’agroécologie où les auxiliaires à l’agriculture auraient toute leur place.

Demain

Demain (le film)

Pour envisager ce monde à venir, n’hésitons pas à mobiliser notre résilience pour assister à la projection du film « Demain »5, coréalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, et abordant des initiatives destinées à repenser l’agriculture, l’économie, la finance ou l’éducation au travers d’exemples concrets glanés partout dans le monde des possibles. Une contribution pour construire un monde beau, juste et solidaire. Butinons les bonnes idées de ce documentaire inspirant. Quoi de plus positif comme souhaits en ce début d’année !

« Je le souhaite plus que je ne l’espère » concluait Thomas More avec regret. Tentons de lui prouver que l’inverse nous guidera.

Benoît Manet

Notes:
3. Mickaël Henry, Nicolas Cerrutti, Pierrick Aupinel, Axel Decourtye, Mélanie Gayrard, Jean-François Odoux, Aurélien Pissard, Charlotte Rüger, Vincent Bretagnolle. Reconciling laboratory and field assessments of neonicotinoid toxicity to honeybees. Proceedings of the Royal Society B, 18 novembre 2015. DOI: 10.1098/rspb.2015.2110
4. Rundlof et al., Seed coating with a neonicotinoid insecticide negatively affects wild bees . Nature 521 : 77-80.
5. Le film « Demain » sera projeté au Quai22 du Cinéma Nomade des Grignoux à Namur.
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