Actualités apicoles 2013-09

Par Benoît Manet

Revenons quelque peu sur les désordres sanitaires auxquels l’abeille est exposée, alors que le traitement de fond pour lutter contre le Varroa s’achève. Depuis son apparition dans les années 80, cet acarien nous a fait davantage prendre conscience des risques sanitaires liés aux agents biologiques. Tout cela reste complexe, surtout dans un contexte de perte de colonies dont les causes restent multiples. C’est tout l’enjeu du cours sur les maladies des abeilles. Et c’est ainsi que l’on s’aperçoit qu’à côté du visible, une série d’organismes à la taille microscopique sont également responsables de dysfonctionnements parfois conséquents. Ainsi, les loques qui sont des bactéries ont été malheureusement à l’actualité régionale voici quelques années. Les virus dont la liste ne cesse de s’allonger sont également des agents responsables de différents troubles dans la colonie qui parfois en combinaison avec le Varroa profitent d’une déstabilisation de l’immunité. Et ce ne sont là que quelques exemples. De façon omniprésente, chacun connaît aussi des cas de nosémose.

Nosema ceranae

L’ovale blanc (haut, gauche) est une spore de Nosema ceranae qui a germé, avec un long filament polaire vers le bas et la droite.
By University of Georgia

Voici quelques années, des chercheurs ont mis en évidence l’existence d’une deuxième espèce dans les ruchers européens : Nosema ceranae dont on suspectait l’action dans les cas d’effondrement de colonies. Cependant, des études répétées n’avaient pas pu confirmer cette hypothèse. Il semble depuis que ce « champignon » des intestins de l’abeille puisse avoir une action amplifiée lorsque l’abeille est soumise à l’exposition d’autres agents comme celui d’un toxique (p. ex. un insecticide) ou celui d’autres agents (virus) présents dans la ruche. On peut imaginer qu’une abeille diminuée dans son autodéfense soit plus sensible aux agents pathogènes. C’est ce que vient de montrer une étude belge basée sur l’examen d’échantillons provenant de 363 ruches réparties en Flandre et destinée à repérer la présence de 18 agents pathogènes des abeilles au regard des nouvelles connaissances sur une série d’agents nouvellement identifiés. C’est ainsi que les chercheurs ont détecté entre autres la présence d’un petit protozoaire dans le système digestif de l’abeille : Crithidia mellificae. Cet organisme unicellulaire, proche des trypanosomes, est équipé d’un flagelle, sorte d’organe lui permettant de se déplacer. Ce pathogène avait été identifié pour la première fois dans des ruches en Australie en 1967. Il est à présent détecté dans 70% des ruches examinées. Jusqu’à présent, son impact sur l’abeille n’avait pas pu être clairement établi mais cette étude donne de nouvelles informations. Et si l’impact du Varroa reste avéré comme facteur-clé des mortalités hivernales, il apparaît que la présence simple ou combinée de ce protozoaire avec l’agent Nosema augmente également le taux des pertes de colonies. De même, une relation significative est établie entre le nombre d’agents pathogènes présents et les pertes de colonies. L’étude montre ainsi que la mortalité passe de 5 à 50% lorsque le nombre de pathogènes augmentent de 3 à 6 ! Au-delà, les mortalités se stabilisent. Cette étude est une étape importante dans la compréhension des causes et de leurs effets dans le phénomène de pertes de colonies. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.

Vespa Velutina

Nid de Vespa Velutina
By Quiricou (Own work) [CC-BY-SA-3.0], via Wikimedia Commons

Du côté du visible, la vigilance doit également nous guider même si cela semble plus facile. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le rôle de prédation qu’inflige le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax) sur les colonies d’abeilles. Pour rappel, cet hyménoptère qui serait dit-on arrivé avant 2004 par le sud-ouest de la France dans une cargaison de poteries chinoises a colonisé 50 départements français en quelques années. En 2011, il avait été observé dans le Nord de la France (1 nid isolé) ainsi qu’en Belgique. Un individu mâle avait pu être photographié en arrière-saison dans la région de Flobecq. Depuis, plus aucune observation n’a été rapportée. Mais étant donné la vitesse de progression de l’espèce – environ 100 km par an – , il est fort à parier que cette espèce de frelon sera en Belgique dans un avenir proche. Le frelon ne présente pas un risque particulier pour la santé humaine. Il n’est ni plus agressif ni plus toxique que notre frelon ou les guêpes. Par contre, il se montre un prédateur redoutable vis-à-vis des hyménoptères sociaux. A force de prises, il arrive à déprimer la force de la colonie pour finalement l’investir. Pendant ce temps, les abeilles sont en alerte permanente et les butineuses ne rentrent plus à la ruche. Les prises successives et le manque de ressources condamnent finalement la colonie. En automne, la colonie de frelons est au plus fort et la prédation peut être facilement détectée au devant des ruches. Un appel à collaboration est lancé au travers de cette chronique pour vous inviter à être attentif en observant les environs du rucher et particulièrement les trous de vol et en essayant de détecter les frelons qui sont en position de chasse. Plus tard en automne, les femelles et mâles peuvent également être observés. Les nids ne le sont généralement qu’une fois les feuilles des arbres tombées car même s’ils sont imposants, ils sont situés en hauteur masqués par la végétation.

Si d’aventure, vous aviez l’occasion d’observer ce frelon (ou son nid), vérifiez bien qu’il s’agit bien de l’espèce exotique (les confusions sont nombreuses !) en vous reportant aux documents d’identification et d’information mis en ligne sur le Portail sur la biodiversité en Wallonie (voir lien ci-dessous). Dans la mesure du possible, prenez des photos ou prélevez un spécimen et transmettez-les auprès du CARI ou de la Cellule interdépartementale sur les espèces invasives du Service public de Wallonie (invasives@spw.wallonie.be). Si cela se confirme, cela permettra d’informer et de sensibiliser les différents acteurs responsables des actions à mettre en place. Il en va de l’intérêt commun !

A suivre …

Benoît Manet

Source: Ravoet J, Maharramov J, Meeus I, De Smet L, Wenseleers T, et al. (2013) Comprehensive Bee Pathogen Screening in Belgium Reveals Crithidia mellificae as a New Contributory Factor to Winter Mortality. PLoS ONE 8(8): e72443. doi:10.1371/journal.pone.0072443

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