Actualité apicole 2013-03

Par Benoît Manet

Le Printemps Silencieux

Le Printemps Silencieux

Dans une précédente chronique, je vous faisais part des interrogations portées autour des insecticides néonicotinoïdes. Ceci au moment où l’UNESCO célébrait le 50ème anniversaire de la publication de l’ouvrage « Le Printemps silencieux » écrit par Rachel Carson (Rachel Carson, Printemps silencieux, préface d’Al Gore, éditions Wildproject, collection « Domaine sauvage », 2009, réédition 2011).

Cette biologiste américaine a su aborder les dangers d’une chimie galopante dans la période de l’après-guerre à un moment où l’agriculture s’ouvrait au machinisme et à la loi des rendements accrus. C’était l’époque du DDT, des défoliants, de la chimie pure et dure et de ses effets délétères sur l’environnement. C’est aussi, en 1962, qu’est apparue la dénomination de « biocide », en raison des effets constatés de ces produits sur le monde vivant, directement ou au travers de la chaîne alimentaire, avec différents effets sur les organismes mais aussi sur notre santé.

« Nous pulvérisons les ormes, et au printemps suivant, nul merle ne chante, non qu’ils aient été touchés directement, mais parce que le poison a fait son chemin, pas à pas, de la feuille de l’orme au vers, puis du vers au merle ».

Une description qui, à tout le moins, possède un sentiment d’actualité. Pourtant, depuis, et hélas, que de chemin parcouru par une agriculture industrielle, encore plus malade de ses dérives comme de ses médicaments ?

Que devons-nous en retenir ? Ce récit a eu le pouvoir d’éveiller les consciences d’un monde en plein développement sur notre environnement et les menaces posées par le règne tout puissant des industries de la chimie. Mais cinquante ans plus tard, nous devons bien constater que notre environnement est toujours sous la domination de quelques grosses sociétés agro-chimiques dont les dividendes des actionnaires passeraient volontiers à l’avant-plan de toute décision. Les progrès proposés par ces sociétés ont évolué vers un modèle agricole complètement dépendant de la chimie et de la technologie au nom salvateur de l’autonomie alimentaire. Cette agro-chimie est basée sur un tout-en-un composé d’un matériel de reproduction breveté, des fertilisants et des produits de traitement permettant à ce secteur de maîtriser complètement la filière au déni d’une agriculture de raison basée sur l’utilisation de méthodes culturales traditionnelles et de variétés paysannes. C’est dans cette logique que sont apparus les produits de traitement actuels dont font partie les néonicotinoïdes, insecticides de dernière génération, dont l’usage est actuellement remis en cause au niveau européen.

EFSA

Pour l’actualité, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié, le mercredi 16 janvier dernier, un avis scientifique sévère sur trois pesticides (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame), présentant tous un risque élevé pour les abeilles. Comme déjà souligné, l’EFSA avait été saisie en 2012 par la Commission européenne de l’évaluation des risques présentés par ces trois molécules. Au-delà de l’intuition, cette fois, les publications scientifiques ont permis de confirmer l’effet nocif de ces matières actives sur les abeilles. Trois voies d’exposition principales sont dénoncées : les poussières d’enrobage produites au moment du semis, la contamination par le pollen et le nectar, l’exposition aux gouttelettes d’eau produites par les plantes de maïs traitées (guttation). Un appel à arguments a été demandé auprès des groupes chimiques incriminés (Bayer et Syngenta). Un rapport commandé par ceux-ci chiffre les bénéfices des néonicotinoïdes à 4,5 milliards d’euros par an et estime que leur abandon coûterait 50.000 emplois agricoles. Le rapport ne nuance pas en rappelant, qu’au niveau européen, les services rendus par les insectes pollinisateurs sont eux estimés à 22 milliards d’euros par an (Gallai & al. 2009).

Mortalité des abeilles

Mortalité des abeilles

N’attendant pas les conclusions des travaux de l’EFSA, différents pays européens ont d’ores et déjà pris des mesures conservatoires : ainsi l’Italie, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Slovénie, ou le Royaume-Uni ont limité ou interdit l’utilisation de ces substances ou mènent des enquêtes parlementaires sur leurs effets pour les pollinisateurs. En Belgique, rien de tel. Tout au plus, mais quand même, une question parlementaire posée à Madame Laruelle, Ministre responsable, sur une éventuelle suspension d’utilisation en attendant que l’Union européenne ne prenne les décisions communes.

Au-délà du crêpage de chignon, on ne peut pas dire que Madame Laruelle soit sur la balle pour faire évoluer les choses par initiative et se retranche derrière le débat européen avant que des mesures soient prises. Entretemps, la Commission européenne a proposé aux États membres de suspendre pour une durée de deux ans l’autorisation des trois principaux insecticides néonicotinoïdes incriminés sauf pour les cultures non attractives pour les abeilles et les céréales d’hiver. L’interdiction ne serait donc que partielle. Elle frapperait les cultures attractives pour les abeilles que sont le colza, le tournesol, le maïs et le coton, mais également les cultures plantées ou traitées au printemps. Une proposition de règlement devait être mise au vote le 25 février lors de la réunion du Comité permanent sur les produits phytosanitaires pour une entrée en vigueur le 1er juillet prochain. Mais la proposition a suscité des réserves de la part de plusieurs délégations, notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne.

À plus long terme, la Commission européenne veut aussi revoir en profondeur les méthodes d’évaluation pour mieux prendre en compte leur impact sur les abeilles avant la mise sur le marché, et limiter l’usage aux professionnels. Il semble finalement que le vote ait été reporté au 14 mars ; nous ne manquerons pas de revenir sur les résultats de ce vote dans une prochaine actualité.

Pour le reste, il faut savoir que l’EFSA lance une seconde consultation publique sur les abeilles et les pesticides. Afin de finaliser le document de référence sur l’évaluation des risques subis par les abeilles (sensu lato), une consultation additionnelle vise à recueillir des commentaires sur les aspects liés à l’évaluation du phénomène de guttation et à l’évaluation des métabolites. L’enquête publique (vous) est ouverte jusqu’au 18 mars.

Tout en n’oubliant pas la « Semaine sans pesticides » qui se tiendra en Wallonie du 20 au 30 mars prochains et visera à s’engager vers des alternatives positives. Ainsi, dans le cadre de la transposition de la Directive-cadre Pesticides instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, vous êtes aussi invités à donner votre avis sur le Programme wallon de réduction des pesticides proposé pour réduire les risques et les effets de l’utilisation des pesticides sur la santé et l’environnement.
L’enquête publique se déroule du 11/02/2013 au 27/03/2013.

La ruche en vrombit déjà de reconnaissance !
A suivre …

Informations complémentaires

Brochure SPW Plan Maya

Brochure SPW Plan Maya

Dans le cadre du plan Maya, le Service Public de Wallonie a publié différents supports.

A côté de la plaquette déjà bien connue « un bon plan pour sauver nos abeilles » publiée dans le cadre de la Semaine de l’Arbre 2011 ainsi que la brochure sur les « Mellifères », toutes deux téléchargeables en PDF sur le site de la Semaine de l’Arbre, deux nouveaux supports viennent d’être publiés :

  • D’une part, une série de 2 posters présentant la diversité des abeilles sauvages protégées de Wallonie,
  • D’autre part, un guide (PDF) concernant l’installation de prairies fleuries à destination des abeilles : « Fleurs sauvages et prairies fleuries pour nos pollinisateurs. Guide technique et choix de mélanges ».

Ces documents sont disponibles auprès du service documentation (avenue Prince de Liège 15 à 5100 Jambes – tél. 081/33.51.80) ou pour le second, téléchargeable en PDF.

Ce contenu a été publié dans Actualités, Extraits de la revue. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.