« Au rucher » 2016-07

Par Michel Smet

La miellée de printemps étant terminée, il nous faut à présent penser à celle d’été qui devrait battre son plein et emplir les hausses des ruches. Les cadres essorés en mai seront triés: ceux qui contiennent du pollen seront replacés sur les peuples, et les autres, stockés dans l’armoire destinée à les recevoir. Ils serviront au plus tard l’année prochaine, et si la miellée d’été de cette année les réclame, ils seront également rendus aux colonies afin qu’elles puissent y entreposer le miel d’été. En opérant de la sorte, je ne conserve que des cadres de hausses exempts de pollen, qui, sans aucun produit, passe la période hivernale sans aucun problème. Comme déjà expliqué, je ne fais pas lécher mes cadres après les avoir extraits. Ils sont stockés encore « poisseux » dans l’armoire. Pourquoi? Le léchage des cadres demande leur retour dans les ruches, et, en cette période de l’année, nous savons tous que la moindre trace de miel, voir la simple odeur de ce dernier, engendre un départ de pillage abominable au sein de colonies. L’expérience me confirme que c’est quasiment impossible d’éviter ce phénomène. En effet, la miellée tarit, voire est inexistante à ce moment de la saison. Or, nous venons de « voler » la récolte à nos avettes et elles ont l’art de s’en souvenir. C’est donc pour éviter tous ces problèmes que je conserve, depuis de nombreuses années maintenant, mes cadres sans les faire lécher. Dès la pose des hausses le printemps suivant, les abeilles ont tôt fait de nettoyer tout cela.

Juillet

Juillet

La récolte réalisée, il nous faudra nous tracasser de réaliser une cristallisation correcte du miel recueilli afin d’offrir à nos clients, un produit artisanal de qualité. Je tiens ici à faire un distinguo entre un miel fin, et un miel tartinable ou « souple ». Les deux aspects des choses doivent être bien séparés. Il est en effet possible de réaliser un miel « fin » mais qui sera aussi dur que du béton. Ce miel « fin » sera réalisé et obtenu par un malaxage judicieux au début de la cristallisation; le miel sera travaillé matin et soir au malaxeur inox monté sur foreuse afin de concasser les cristaux en formation en petites particules. L’on obtient de la sorte un miel « fin », mais dur, une fois mis en pot dans la foulée du malaxage. C’est ici qu’intervient la méthode enseignée autrefois par mon regretté ami Paul Petit et qui consiste à surtout ne pas mettre le miel en pots une fois la cristallisation fine obtenue en maturateur. C’est là, l’erreur à ne pas commettre. Ce qu’il faut faire, c’est, à ce moment, laisser le miel en maturateur de 40 kg, facile à manipuler, et le laisser durcir. Ceci fait, nous allons placer le maturateur dans l’armoire chauffante à une température de 35 ° C (température de la ruche) pendant une durée située entre 10 et 14 heures (suivant la température de stockage du miel). Le miel va alors se ramollir, et l’on pourra alors le malaxer vigoureusement afin de le rendre onctueux et souple.

Attention ici de ne surtout pas réchauffer le miel trop fort afin qu’il redevienne liquide, sinon, l’opération serait ratée. Il faut compter environ cinq bonnes minutes pour réaliser ce malaxage. Suite à cela, je replace le maturateur dans l’armoire chauffante, mais à une température de 25 °C, afin que les micros bulles d’air remontent en surface. Cette opération dure 3 ou 4 jours, rien ne presse. Surtout ne pas mettre en pots dans la foulée de ce malaxage car cela aurait pour résultat une présence de « mousse » indésirable sur le dessus du miel mis en pots. Ce résultat est « anti-commercial » car le produit fini ne présente pas une belle allure et ne donne pas envie de le consommer.

Après la décantation du miel, le maturateur est sorti de l’armoire chauffante et est écumé puis mis en pots sans aucune autre forme de procès. Surtout ne plus le malaxer pour éviter toute nouvelle inclusion d’air et autre formation de « mousse » blanchâtre. Les pots de miel seront alors mis au frais à environ 15 ° C pour qu’il réalise sa « prise » et devienne à la fois souple, consistant mais tartinable. Après avoir testé de nombreuses façons de faire, c’est la seule qui me donne entière satisfaction depuis de nombreuses années.

Cette méthode vous permet aussi de conserver votre production en maturateurs de 40 kg, ce qui améliore très nettement sa conservation dans le temps. Vous pouvez alors conditionner le miel au fur et à mesure de la vente, sans devoir stresser ni devoir courir pour mettre en pots. En cas de surproduction, vous pouvez également vendre du miel « en vrac » à une personne qui sera intéressée de mettre en pots elle-même. Que du positif avec cette méthode, qui ne présente qu’un seul inconvénient, celui de devoir être réalisée! Mais quel bonheur de voir augmenter les quantités de miel vendues au fil des saisons….

Pour le reste, après le retrait des greniers à miel, votre plus grande attention sera portée sur le traitement anti varroa et sur la mise en hivernage progressive des peuples. Les abeilles présentes à ce moment dans les ruches ont trinqué avec la récolte et le pic de varroas qui est présent à ce moment de la saison apicole. Faire chuter ce nombre de vampires à un minimum doit être notre objectif premier afin que, quelques semaines plus tard, les abeilles qui seront présentes pourront être en bonne santé afin d’élever les abeilles grasses d’hiver, abeilles qui auront la lourde tâche de rejoindre la prochaine période printanière. Pour atteindre cet objectif, tous les moyens seront mis en œuvre et surtout, les traitements de longue durée qui pourront « nettoyer » les peuples des varroas présents dans le couvain encore nombreux en aout. Dix semaines de traitement ne sont pas exceptionnelles afin de couvrir plusieurs générations d’éclosion de couvain qui libèrent également tous les varroas présents. Nous devons toujours bien avoir cela en tête et tenir compte de la ré-infestation des peuples par les phénomènes de dérive et autre pillage toujours possibles.

Quant à la distribution du sirop d’hivernage, deux possibilités pourront être adoptées. La première consiste à donner du sirop lourd aux peuples directement après le retrait des hausses afin de plonger les abeilles dans l’abondance et ainsi relancer la ponte de la reine après que les abeilles aient « fait de la place » pour que la reine dépose ses œufs.

La seconde méthode consiste à donner de petites quantités de sirop léger afin de réaliser une pseudo miellée qui incite la reine à augmenter sa ponte. S’ensuit la distribution du sirop lourd d’hivernage qui permettra à la colonie de passer la période hivernale. Sachez que les deux méthodes fonctionnent. Les apiculteurs qui possèdent des ruchers éloignés ne pourront pas se permettre de « chipoter » avec un nourrissement de relance de ponte et opteront pour la distribution de grandes quantités de sirop. Pensez au nourrisseur couvre cadre de la ruche Nicot qui peut contenir 7 litres de sirop!
Personnellement, je travaille en deux temps: entre le 21 juillet et le 21 aout, les colonies reçoivent 10 litres de sirop lourd soient 7,5 kg de sucre sec, donc environ 2 litres par semaine. Au début de la seconde semaine de septembre, les peuples reçoivent un second bidon de 10 litres de sirop lourd qui complètera les provisions. Bien sûr, ces quantités peuvent varier suivant les provisions présentent dans les colonies. En cas de mauvaise année à miel, on peut donner plus de 15 kg de sucre par colonie! Tout cela est à estimer sur place bien sûr et doit être adapté en fonction du cas présent. Si tout le sirop est donné début aout, les abeilles ont tendance à tout transformer en viande sans se préoccuper de constituer des réserves et il nous faut alors palier au problème en distribuant à nouveau du sirop en septembre, d’où ma façon de procéder en deux temps.

Dans tous les cas, on veillera au bien être des peuples pour qu’ils puissent se trouver dans les meilleures conditions pour passer l’hiver, c’est l’objectif à atteindre absolument.

Michel Smet

A relire: « Au rucher » juillet-août en 2015.

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